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gouvernemens territoriaux soumis directement à l’autorité du congrès. En même temps qu’on rayerait les pays du sud de la liste des états, on y admettrait au contraire les deux territoires du Colorado et du Nebraska, en réglant chez eux les conditions du droit de suffrage et en leur imposant des garanties de fidélité à la politique radicale. On couronnerait enfin toutes ces réformes en imposant le suffrage des noirs au district de Colombie, aux anciens états du sud et aux états nouvellement fondés du far west.

Les autres mesures n’étaient pas moins graves : elles tendaient à annuler l’autorité du président et à le désarmer de tous ses pouvoirs légaux. On lui retirerait la direction des douanes et de l’internal revenue, confiée jusqu’à présent au ministère des finances, pour la remettre aux mains du président de la cour suprême ; on annulerait toutes les nominations administratives faites par lui en l’absence des chambres, et l’on ferait rembourser au trésor les traitemens déjà perçus ; on déclarerait inéligible pendant trois ans tout fonctionnaire dont la nomination serait rejetée par le sénat, et l’on restreindrait le pouvoir de destitution qu’avait le président au cas d’incapacité matérielle ou de malversation, en l’astreignant à rendre compte de ses motifs au sénat dans l’espace de vingt jours. Enfin la réunion du nouveau congrès aurait lieu dès le 4 mars, aussitôt après la dissolution du congrès actuel, afin de ne pas laisser le temps à M. Johnson de ressaisir son influence et de défaire pendant l’interrègne tout le travail de la session.

Telles furent les résolutions proclamées par les radicaux dès le début de la campagne ; chacun des membres du parti présens à la réunion s’engagea à les soutenir de son influence et de ses votes. La session n’était pas encore ouverte que déjà les combattans changeaient de rôle : le président, si emporté tout à l’heure, se renfermait dans un prudent silence ; les radicaux au contraire, naguère si modérés, à présent poussés à bout, allaient se porter à des violences toujours excusables, quelquefois légitimes, mais souvent maladroites, et qui devaient commencer à les affaiblir.


II

Il s’en fallut de beaucoup que toutes ces mesures fussent admises ou même proposées dans le congrès. Les chefs de l’opinion radicale ne devaient pas tarder à s’apercevoir qu’il était moins facile de dominer deux grandes assemblées que de faire acclamer un programme de parti par une réunion de soixante membres uniquement composée d’amis ou de complices. Ils débutèrent pourtant par quelques succès faciles qui semblaient leur promettre une suprématie durable. Le président annonçait depuis longtemps qu’il avait en