certainement aujourd’hui une amélioration notable dans l’état des affaires et dans les dispositions du peuple. La question de la reconstruction, si arriérée en apparence, est tout près d’être résolue. Un homme nouveau paraît s’élever sur la scène, sinon avec une politique nouvelle, du moins avec la confiance et le respect de tous les partis. C’est ce progrès insensible et pourtant bien réel dont je vais essayer de suivre la marche au milieu du chaos que la politique américaine présente cette année aux yeux les plus attentifs.
Il n’est peut-être pas inutile de rappeler en peu de mots l’origine première des démêlés du président Johnson avec le congrès[1]. Cette lutte, qui devait bientôt prendre des proportions redoutables, s’éleva d’abord à propos d’une question de doctrine dont l’importance théorique et historique était grande, mais dont l’intérêt semblait médiocre depuis que la guerre avait tranché sans appel les différends du nord et du sud. Il s’agissait de savoir si la défaite des états rebelles avait mis fin à leur existence ou les avait simplement ramenés dans la dépendance du gouvernement fédéral. Les républicains et les radicaux étaient d’avis qu’en se révoltant contre l’autorité nationale les états du sud s’étaient anéantis eux-mêmes, et que le gouvernement occupait leur territoire comme pays conquis. Le président au contraire se joignait au parti démocrate pour soutenir que la rébellion, n’ayant jamais été légale, n’avait pu compromettre les droits antérieurs des états rebelles, ni altérer leurs rapports avec le gouvernement fédéral. Cependant la suprématie du pouvoir fédéral n’était nullement contestée, et le président lui-même usait largement du droit de la victoire pour imposer des lois rigoureuses à ces états prétendus souverains. On craignait même d’abord que sa main pesante ne mît à une rude épreuve la patience des vaincus. Bientôt cette inquiétude avait fait place à une autre : le persécuteur des rebelles était devenu tout à coup leur protecteur zélé. Moyennant certaines conditions qu’il leur avait fixées et qui furent jugées insuffisantes par la majorité républicaine, il avait promis à leurs députés de les amener au Capitole et de forcer pour eux l’entrée du congrès. Celui-ci, justement irrité de cette impertinence, leur ferma ses portes avec humeur, et ce fut le début de la guerre qui dure encore aujourd’hui.
Après trois mois d’insultes et de provocations réciproques, les radicaux, fatigués d’une lutte inutile, se résignaient à abaisser leurs prétentions. Ils les avaient formulées dans un projet équitable et
- ↑ Voyez d’ailleurs la Revue du 1er avril et du 15 décembre 1866.