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LES
ETATS-UNIS EN 1867

UN AN DE GUERRE POLITIQUE

Il y a dans le langage politique généralement usité de nos jours, et particulièrement dans la langue française, deux mots qui sont souvent confondus, quoique bien différens : c’est le mot de démocratie et le mot de révolution. Soit qu’on admire la démocratie, soit qu’on la déteste et la craigne, on en parle toujours comme d’une puissance redoutable qui doit bouleverser le monde. Il est convenu qu’elle ressemble à un torrent impétueux qui renverse toutes les digues. Il n’y a pas jusqu’au suffrage universel français, si docile, si plein de déférence pour les autorités établies, dont les eaux stagnantes ne soient trop agitées au gré de certaines gens timides, et où nos orateurs sacrés ou profanes ne voient encore le torrent de la démocratie prêt à engloutir la société. Rien n’est plus faux que cette métaphore banale qui sert à effrayer les honnêtes gens. Si, au lieu de raisonner à vide sur la nature et sur les principes de la démocratie, on se donnait la peine de l’observer dans le seul pays où elle règne en souveraine, je veux dire aux États-Unis, on serait étrangement surpris de la circonspection et de la lenteur que le monstre populaire y met dans tous ses mouvemens. Voilà un an que la république américaine est en proie à la crise politique la plus aiguë, au conflit de pouvoirs le plus implacable qui puisse troubler la paix d’un état ; depuis un an, le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif, également issus du choix populaire, ont reconnu qu’il n’y avait pas entre eux d’accord possible sur les grands intérêts du pays, et depuis un an ils vivent côte à côte sans oser