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venant d’Italie, les Vaudois se portaient vivement sur l’étroit passage qui donnait entrée dans leurs cantonnemens. Forcés sur ce point, il leur restait toujours une retraite assurée derrière les cols vers lesquels ils attiraient l’ennemi pour le culbuter dans la vallée par un retour offensif. Ce fut là l’issue de toutes les attaques venant du Piémont sans le secours de la France. Les Vaudois avaient une si grande confiance en leurs défenses naturelles et en la protection divine qu’ils négligèrent longtemps de faire usage de leurs armes : ils se contentaient d’abandonner à l’agresseur le bas de leurs vallées. Cette répulsion pour les moyens violens a fait croire qu’ils ont professé avec d’autres sectes le principe absolu de l’inviolabilité de la vie humaine et l’horreur du sang ; mais un motif plus positif leur faisait chercher le salut dans la fuite plutôt que dans la résistance armée : en fuyant aux montagnes, non seulement ils échappaient à l’ennemi, qui n’osait pas toujours s’engager dans le dédale des vallées, mais encore ils se rapprochaient d’un autre groupe de population assis sur le versant français, comme eux rebelle et réfractaire à l’orthodoxie romaine, qui leur tendait la main à travers les cols de la chaîne centrale.

Le versant français n’a pu retenir intégralement sa population hétérodoxe parce que la configuration est ici toute différente de celle du versant italien. Ce n’est plus le système vaudois, gracieusement épanoui, ce ne sont plus ces vallées projetées comme les branches d’un arbre colossal et attachées à un tronc commun ; ce sont des vallées indépendantes s’ouvrant sur la France par des issues séparées. Pénétrant par ces ouvertures, l’ennemi a pu expulser la population dissidente ; elle ne s’est maintenue que dans les parties supérieures du département des Hautes-Alpes, dans la Vallouise, la Queyras, Freyssinière, Barcelonnette, où elle a été retenue par la coupe étroite des vallées. Ces rudes montagnards, donnant la main à ceux du versant italien par les cols de la chaîne des Alpes, fuyant d’un côté quand ils étaient attaqués de l’autre, ont dérouté pendant des siècles les attaques isolées, et n’ont pu être vaincus et réduits que par une attaque combinée des deux côtés à la fois sous le règne de Louis XIV.

L’aspect de la région vaudoise révèle partout la pression exercée sur la population. Retenue sur le versant par les édits des souverains du Piémont qui l’ont empêchée de s’épancher sur la plaine jusqu’en 1848, parquée dans ses vallées comme dans un ghetto de lépreux, elle a dû tirer parti pour sa subsistance de toutes les ressources de son territoire limité. Aussi tous les coins du sol vaudois sont-ils utilisés pour la production. Chaque pli porte des champs cultivés, des prés, des maisons et des villages avec leurs encadre-mens touffus d’arbres fruitiers et de vignes hautes. Aucune partie