Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 72.djvu/449

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ni prescrire le droit de la conscience religieuse à la liberté. Les nouveaux docteurs protestans se plurent à voir en lui le précurseur de la réforme, le continuateur des doctrines primitives, le point d’attache qui reliait cette grande révolution du XVIe siècle à la révolution plus grande encore qui a renversé le paganisme antique et fondé le règne de l’Évangile : honneur dangereux qui le désigna dès lors plus particulièrement à la persécution. Ce petit peuple est connu depuis le XIVe siècle sous le nom de Vaudois, qui lui est venu des vallées ou vaux où il est cantonné. On l’a aussi appelé du nom, biblique « d’Israël des Alpes. » Son histoire offre en effet d’étranges analogies avec celle du peuple hébreu : comme celui-ci, il a été méprisé, haï, persécuté, réduit en captivité, dispersé en Suisse, en Allemagne, en Hollande, en Angleterre, et ramené dans la demeure de ses ancêtres par une série étonnante d’événemens ; enfin, pour dernier trait d’analogie avec le peuple hébreu, il était resté dépositaire d’un haut spiritualisme chrétien qui fut en face du grossier moyen âge ce qu’avait été le monothéisme de la Judée devant l’antiquité polythéiste.

A tous ces titres, réels ou imaginaires, les Vaudois sont considérés comme les pères spirituels et les ancêtres de la réforme. Il n’est pas un événement de leur histoire, heureux ou malheureux, persécution ou édit de tolérance, qui n’ait été depuis trois siècles un sujet de joie ou de tristesse pour des souverains et des peuples protestans. Ils se sont émus et réjouis tour à tour de ses épreuves et de ses délivrances, ils sont intervenus en sa faveur, ils l’ont pris sous leur protection, et il doit en grande partie à cette sympathie filiale de n’avoir pas été écrasé par la persécution. Si l’on cherchait les causes cachées de l’intérêt qui s’est attaché au Piémont libéral depuis 1848, il faudrait mettre en première ligne l’acte par lequel Charles-Albert a réparé l’injustice de ses ancêtres en émancipant les Vaudois. Leurs épreuves séculaires avaient tant de fois retenti dans les pays réformés, tant d’écrivains en avaient retracé l’émouvant tableau, tant de prédicateurs en avaient fait le texte de leurs sermons, que l’acte émancipateur eut un retentissement populaire partout où battait un cœur protestant, et excita pour le Piémont et son roi une sympathie reconnaissante qui a rejailli sur la cause italienne. Dans les pays où domine le catholicisme, on comprend que l’intérêt n’ait pas été aussi général. Les Vaudois y sont moins connus. On s’y fait une idée peu exacte de leur doctrine religieuse, de leurs mœurs et de leur organisation ecclésiastique. On les confond volontiers soit avec leurs homonymes du canton de Vaud, soit avec des sectes disparues depuis cinq siècles. Leurs origines religieuses sont à peine soupçonnées, et la topographie même des lieux où la dissidence vaudoise s’est fixée et