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IV

Quels sont les partis qui se meuvent dans l’arène législative ouverte par la constitution de l’Allemagne du nord ? Les partis se forment d’après la situation, ils durent tant que cette situation reste la même ; vient-elle à se modifier, ils se dissolvent pour se reformer d’après d’autres principes. C’est ce que nous avons vu se produire avec éclat de l’autre côté du Rhin. Aussi longtemps que le roi de Prusse contestait à la chambre son droit constitutionnel de fixer le budget militaire, l’opposition était formidable. Après chaque dissolution, elle grandissait, et les partisans de M. de Bismarck étaient réduits à une infime minorité. Dès que Guillaume Ier devint réellement ce que son frère avait vainement promis d’être, c’est-à-dire « le roi allemand, » comme tout le monde voulait l’unité, presque tous ses anciens adversaires se rallièrent autour de lui. La réconciliation fut scellée au retour de Sadowa par le vote d’un bill d’indemnité que M. de Bismarck consentit à demander à la chambre. Aujourd’hui le parlement du nord contient trois partis, les progressistes, les conservateurs et le parti national-libéral. Le parti progressiste, qui autrefois embrassait tous les membres de la chambre prussienne à l’exception de trente-cinq, est maintenant le moins nombreux. Son nom n’exprime plus son but, car il dérive d’une situation qui n’existe plus. Il représente l’opposition absolue, et se compose de ceux qui ont refusé de voter la constitution fédérale, de quelques « particularistes, » de républicains et enfin de certains amis de la liberté qui croient que M. de Bismarck, une fois l’unité faite, supprimera les garanties constitutionnelles pour faire régner le despotisme militaire. Les conservateurs craignent au contraire qu’on ait fait à la démocratie des concessions dangereuses sur lesquelles on ne pourra plus revenir ; mais ils sont dans la plus fausse position, attendu que le roi et M. de Bismarck, leurs chefs naturels, sont les auteurs de ces institutions qu’ils condamnent, et favorisent le mouvement qu’ils redoutent. Le parti national-libéral veut à la fois l’unité et la liberté, qu’il considère comme inséparables, l’une devant nécessairement conduire à l’autre. Il accepte la constitution fédérale, non comme la meilleure qui se puisse concevoir, mais comme répondant aux besoins présens, et « parce que, ainsi que le disait M. de Forckenbeck à ses électeurs, elle doit conduire à l’unité allemande, et qu’une législation unitaire et libérale en matière d’économie sociale assurera la prospérité matérielle et intellectuelle de 30 millions d’Allemands. » Ce parti, qui soutient franchement le gouvernement, est le plus nombreux, et il tend à s’accroître. Une