couronnent une éminence. Pendant ce temps, le glacier marche, et cette colline chargée de débris s’éloigne de son lieu d’origine. S’il se forme un second lac à l’endroit où était le premier, il lui arrivera quelque accident semblable, de sorte qu’après dix ou vingt ans cinq ou six monticules de blocs voyageront à la suite les uns des autres.
Les choses se passent un peu différemment quand il s’agit de très petits lacs alimentés par de très petits ruisseaux qui ne charrient que de menus débris. Le fond de ces lacs ou plutôt de ces baignoires se recouvre à la longue d’une couche de sable ou de fin gravier. La baignoire vidée, ce sable protège aussi la glace, surtout s’il est d’une couleur claire, qui absorbe peu la chaleur solaire. La glace ainsi protégée forme bientôt un cône régulier, qui ressemble à une très haute fourmilière, et qui s’escarpe de jour en jour, jusqu’à ce que le sable glisse et se répande de tous les côtés. Le cône alors fond rapidement ; mais autour de lui s’élève une autre colline en forme d’anneau avec un cratère au centre à la place du cône disparu. Si par hasard les débris qui recouvrent cette nouvelle colline viennent à glisser dans le cratère, il en naîtra un second cône qui a beaucoup de chances de produire un nouvel anneau, et ainsi de suite jusqu’à éparpillement complet des débris protecteurs. Une fois séparés, ils n’ont plus la force de garantir la glace, et ils contribuent au contraire à en accélérer la fonte, parce qu’ils se réchauffent de part en part, de sorte qu’après avoir siégé sur des cônes élevés, lorsqu’ils étaient réunis, ils s’ensevelissent, dès qu’ils sont isolés, au fond de petits entonnoirs. En certains endroits, on rencontre des multitudes de ces entonnoirs, et à quelque distance on aperçoit des groupes de cônes qui pyramident en famille.
On voit que le voyage des débris à la surface des glaciers n’est pas aussi monotone qu’on pourrait le croire d’abord. En général il s’opère avec une grande régularité. Les moraines sont de longues traînées où quelquefois cependant une pierre de fortes dimensions se détache de la masse et glisse en dehors. Autant la marche du grand convoi est bien réglée, autant celle des blocs isolés est sujette à des accidens bizarres. Ce sont des déserteurs livrés à eux-mêmes et à toutes les chances du hasard. Ils ont coutume de tabler, comme disent les naturalistes, c’est-à-dire que, grâce à la fonte plus rapide autour d’eux que sous eux, ils finissent par se trouver perchés sur un fût de glace. Les dalles plates enlevées à quelque paroi schisteuse représentent assez bien, ainsi perchées, une table à un pied ; mais les rayons obliques du soleil attaquent la colonne qui les supporte, et les blocs tombent lourdement. Glissant alors selon la direction des pentes, ils accomplissent de véritables voyages