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franchises et privilèges, il entendra volontiers vos remontrances là-dessus, car il les veut maintenir entièrement et ne souffrir qu’elles soient entamées en quelque sorte que ce soit[1].

Si le garde des sceaux avait paru ménager l’ancien gouverneur de Bretagne, une déclaration antérieure de quelques jours à la réunion des états ne pouvait laisser aucun doute sur la mesure que le roi se proposait de prendre contre son frère. Cette déclaration fermait en effet les portes de l’assemblée à tous les serviteurs, domestiques ou pensionnaires de M. de Vendôme, « pouvant, selon l’occurrence, s’y traiter des affaires qui concernent et touchent notre frère naturel, à quoi il n’est pas raisonnable d’engager ceux qui lui seraient obligés d’affection ou d’intérêt, quoique nous ne doutions pas de leur fidélité envers nous. »

Quelque atteinte que cet acte pût porter au droit des états, il n’y provoqua aucune observation tant l’exaspération était vive contre MM. de Vendôme, tant on était résolu à ne pas se laisser engager pour d’égoïstes intérêts dans des agitations nouvelles. L’assemblée avait accueilli avec joie la nomination du maréchal de Thémines au gouvernement de la Bretagne, parce que l’homme qui devait sa fortune à l’arrestation du prince de Condé donnait toute garantie à la province contre le seul péril dont elle se montrât alors préoccupée. Une députation spéciale fut chargée d’aller remercier sa majesté en exprimant aussi le vœu formel « qu’elle ordonnât par lettres patentes que ni M. ni Mme de Vendosme, ni aucun de leurs enfans ou descendant, ne pussent être à l’avenir pourvus dudit gouvernement. » Enfin, quelques jours plus tard M. Aubery, l’un des commissaires du roi, venait annoncer aux états que sa majesté avait donné des ordres pour que toutes villes et châteaux possédées par le duc de Vendôme en Bretagne fussent immédiatement démolis, et l’assemblée, rompant avec les derniers souvenirs du passé, applaudissait à cette communication.

Nantes ne pratiqua point en 1626 la leçon d’économie que lui avait faite Marie de Médicis en 1614. L’hospitalité donnée à la cour durant deux mois fut d’un éclat incomparable. Déployant cette braverie signalée par Mme de Sévigné comme un des traits de leur caractère, messieurs des états abattirent leurs dernières futaies, ressource unique d’une noblesse pauvre, pour tenir tête aux courtisans à table, à la chasse et au jeu, jusqu’au jour où un voile sanglant tomba sur ces splendeurs évanouies. Après le départ du roi, la Bretagne reprit le cours de sa vie modeste et

  1. Registre des états, 11 juillet 1626. — Mercure de 1626, p. 341. — La Commune de Nantes, t. IV, p. 146 et suiv. — Histoire civile et politique de Nantes, t. III, p. 259.