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aride et dévasté ; nous les voyons sous Louis XIII repousser le concours qui leur est demandé au nom du roi par le contrôleur-général des postes afin d’établir des relais sur les routes principales de la province, puis accueillir les fondations commerciales et maritimes de Richelieu avec une méfiance que l’éclat du bienfait parvint pourtant à dissiper.

La mission de la Bretagne, c’était de donner une marine à la France : c’est dans cette œuvre qu’elle allait trouver sa richesse et sa grandeur ; mais, avant de le comprendre, il fallait qu’elle pénétrât la pensée profonde de l’homme qui s’était emparé de haute lutte de la surintendance du commerce et de la navigation ; il fallait que la grande province et le grand ministre fussent entrés dans un commerce étroit et continu. Ce pays touchait au moment où allait s’ouvrir cette phase nouvelle de son histoire, car le cardinal de Richelieu était venu visiter à la suite de Louis XIII la terre à l’extrémité de laquelle il devait fonder bientôt l’un des plus durables monumens de son génie.

Douze années s’étaient écoulées depuis les états de 1614, qui avaient laissé dans la ville de Nantes d’ineffaçables souvenirs. En 1626, Louis XIII avait repris sur les protestans toutes les provinces méridionales, et malgré les secours de l’Angleterre MM. de Rohan et de Soubise avaient dû s’incliner sous ses armes victorieuses. Un esprit nouveau commençait à pénétrer ce gouvernement d’étrangers et de favoris qu’on avait pu croire atteint par la précoce sénilité du prince. L’évêque de Luçon s’appelait déjà le cardinal de Richelieu. Revêtu de la pourpre en 1622, entre en 1624 dans le cabinet où l’avait introduit sa souplesse et qu’il domina bientôt par sa fierté, assez fort pour n’avoir plus à ménager les instrumens de sa fortune et résolu à rompre tout ce qui hésiterait à plier, Richelieu avait trouvé un appui sûr pour sa politique dans le monarque méfiant auquel l’indulgence avait trop mal réussi en sa jeunesse pour qu’il n’éprouvât pas la tentation d’essayer la sévérité.

Par la pente irrésistible d’une nature vicieuse, le duc de Vendôme était retombé dans l’ingratitude et la rébellion. Isolé autant qu’incorrigible, ce prince comprit qu’il était perdu en voyant le roi, son frère, marcher vers la Bretagne, où l’héritier des Penthièvre n’avait su se ménager aucun point d’appui. César vint à Blois, où se trouvait déjà la cour, avec le grand-prieur de Malte, son frère. Arrêtés immédiatement, les deux Vendôme furent conduits à Vincennes aux applaudissemens de la Bretagne tout entière. Le roi, traînant à sa suite Gaston, son frère, se dirigea d’Amboise sur Nantes. En venant s’établir pour deux mois dans cette ville, il songeait moins à maintenir par sa présence une population dont le dévouement lui