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malheureuses du pays des remises d’impôts et de longues surséances. Reconnaissans de cette bonne administration, sans se montrer pourtant fort expansifs, les états ne disputaient plus guère sur le chiffre des demandes adressées par le monarque que pour constater et conserver leur droit. Ils ne retrouvaient leur énergie que lorsque les privilèges de la province semblaient mis en question. Alors s’évanouissaient toutes les considérations de prudence, et ces fiers gentilshommes, presque tous vieux soldats de Mercœur, étaient prêts à remettre la main sur la garde de leur épée. Les états de Vannes en 1600 s’étaient passés dans une entente parfaite entre les trois ordres et les commissaires. Il arriva, pendant cette tenue une lettre de cachet du roi qui prescrivait à l’assemblée d’avoir à choisir un autre procureur-syndic, « sa majesté ayant été informée par voie sûre que le sieur Biet du Coudray, syndic actuel des états, n’était pas noble d’ancienne extraction, qualité indispensable pour exercer de telles fonctions. » A ces mots, un orage éclata dans la salle, la noblesse tout entière s’écriant qu’elle était insultée dans son honneur, lorsque d’autres affectaient de se montrer sur cet article-là plus susceptibles qu’elle-même. Les trois ordres, adoptant sans débat une résolution commune déclarèrent que la lettre lue par le maréchal de Brissac serait considérée comme non avenue, et le sieur du Coudray maintenu envers et contre tous dans des fonctions dont il n’était pas moins digne par lui-même que par le choix de l’assemblée seule compétente pour les conférer. Brissac, en homme prudent, ne donna pas suite à cette mauvaise querelle, et les choses en restèrent là.

Dans une autre occasion, les états furent un moment en proie à une émotion plus violente encore. Ils apprirent que M. de La Jallière, un de leurs membres, avait été arrêté la veille par le grand-prévôt sous l’inculpation d’un délit privé. C’était une violation du privilège d’inviolabilité qui leur avait été départi de temps immémorial pendant la durée de la tenue et dix-huit jours après sa clôture. A l’instant toutes les opérations furent suspendues, et une députation de six membres reçut charge d’aller délivrer le membre incarcéré, qui reprit sa place dans l’assemblée, les commissaires du roi s’empressant d’ailleurs de confirmer, par leurs paroles le droit reconnu aux états[1]. Mais la justesse d’appréciation que cette noblesse possédait à un degré si élevé dans les questions d’honneur lui faisait malheureusement défaut dans les questions d’affaires ; intrépide pour défendre ses droits, elle était sans expérience et sans initiative pour en user. La suite de ce travail en fournira beaucoup d’exemples. J’en rapporte ici un seul, emprunté au règne qui nous

  1. Registre des états, séance du 17 juin 1632.