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des chapitres et des propriétaires d’abbayes rattachés par la loi des fiefs à la hiérarchie territoriale, et telle fut la composition primordiale de l’assemblée nationale, qui, d’une part, assistait les ducs comme conseil d’état, qui, de l’autre, jugeait à titre de cour souveraine les appels de toutes les juridictions seigneuriales. Plus tard, les princes, partout placés dans l’impossibilité de suffire aux dépenses publiques avec les seuls revenus du domaine, furent conduits, afin de se procurer des ressources, à réunir au grand conseil national les représentans des communautés urbaines. Pour la Bretagne comme pour la France, cette importante adjonction commença dans les premières années du XIVe siècle, et dès l’année 1398 les ducs avaient reconnu le droit de représentation à une trentaine de villes. Ces grandes communautés déléguaient donc à chaque tenue d’états un, deux ou trois députés. Cette fixation numérique, originairement déterminée par l’importance respective des diverses localités, se trouva par la suite abandonnée à l’arbitraire du pouvoir royal, qui, selon ses convenances, conféra en Bretagne le droit de représentation dans l’ordre du tiers tantôt à des délégués spéciaux des communautés, tantôt aux sénéchaux des juridictions royales, le plus souvent aux maires nommés par le roi.

Neuf évêques, neuf députés des chapitres, quarante abbés commendataires, composaient donc l’ordre de l’église. L’ordre du tiers était formé par les représentans des quarante-deux communautés qui avaient obtenu droit de séance aux états, et qui, depuis la confiscation des franchises municipales par la couronne, ne trouvaient guère que dans leur caractère personnel les conditions de leur indépendance. Une pareille composition fait comprendre l’influence constante exercée par la cour sur les représentans du clergé comme sur ceux de la bourgeoisie. En adhérant aux volontés du roi, les évêques et les abbés payaient une dette de reconnaissance ; en les accueillant avec une soumission respectueuse, l’ordre du tiers avait le double avantage de marcher dans des voies presque toujours différentes de celles que suivait la noblesse, et de s’appuyer, pour résister à celle-ci, sur la royauté, dont il demeura avec l’église l’appui le plus constant. Ces vieilles traditions conservèrent leur empire aux états de Bretagne jusqu’à ce que, dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, le souffle des temps nouveaux vint transformer l’esprit de la bourgeoisie française.

La véritable importance de ces états consista donc dans la physionomie toute particulière que leur imprimait la noblesse, qui, grâce à la constitution singulière de cette assemblée, y domina constamment malgré l’accord habituel de l’église et du tiers avec la cour. Si en Languedoc la bourgeoisie, possédant un nombre de députés égal à celui des deux autres ordres réunis, put donner à la