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aussi il était disposé à les vendre. Depuis qu’Auguste avait trouvé des subterfuges pour violer l’ancienne loi qui défendait d’accepter en justice la dénonciation de l’esclave, dès que son maître lui donnait quelque sujet de plainte, il pouvait se venger en le dénonçant. Si par hasard il était tenté de lui rester fidèle, on avait trouvé un moyen sûr de le guérir de ses scrupules : on lui donnait, quand il le faisait condamner, le huitième de ses biens et la liberté. Ainsi il lui suffisait de dire un mot pour gagner en un jour ce que les plus heureux avaient peine à conquérir par une longue vie de privations et de misères. Être libre et riche à la fois, quelle tentation ! Loin de s’étonner si beaucoup succombèrent, on doit être surpris que quelques-uns aient résisté. On était donc entouré chez soi d’ennemis. Il fallait se méfier sans cesse de toutes ces oreilles curieuses et de tous ces yeux indiscrets. En multipliant les serviteurs, le luxe avait rempli les palais d’espions. Ces portiers qui gardaient tous les couloirs, ces huissiers, ces introducteurs, toute la troupe de ces valets chargés du service de la chambre, ne faisaient plus que surveiller le maître jusque dans ses appartemens les plus secrets. Ces cuisiniers, ces chanteurs, ces pantomimes, ces musiciens, ces artistes de toute sorte inventés pour le plaisir et la joie étaient devenus des sujets de péril et d’inquiétude. Il ne suffisait pas de se taire devant eux pour être sûr d’échapper à leur malveillance. N’étaient-ils pas libres d’inventer ce qu’ils n’avaient pas entendu ? Et n’était-on pas certain qu’au palais du prince ils seraient crus sur parole ? On se résignait donc à les flatter ; on les caressait, on recherchait leurs bonnes grâces. Les conditions de la vie étaient changées : ceux qui avaient tremblé jusque-là faisaient peur. On était sans cesse occupé à redouter où à prévenir les suites de leur colère. Le plus cruel supplice dont on ait alors souffert, c’était assurément de ne pas trouver la paix et la sécurité chez soi, d’être poursuivi dans sa maison par les mêmes dangers qui menaçaient ailleurs, de n’oser se livrer qu’en tremblant à ces affections intérieures qui reposent de tous les mécomptes, et de n’avoir ni un lieu dans le monde ni un moment dans la vie où l’on pût respirer loin de la tyrannie des césars.

Si la délation pénétrait à ce point dans la famille, à plus forte raison devait-on la craindre dans ces réunions mondaines où, depuis Auguste, les gens distingués de Rome venaient chercher une sorte d’occupation pour leurs loisirs. Elles étaient devenues beaucoup plus importantes avec l’empire, et la perte de la liberté leur avait été favorable. Malheureusement le plaisir très vif qu’on y prenait était empoisonné par les délateurs. Ils écoutaient les confidences de l’intimité et savaient l’art de les rendre compromettantes ; ils recueillaient les