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en dehors de quelques beaux chapitres des œuvres de Lamennais ou de Cousin. Tandis que M. Charles Blanc travaillait à fixer les principes des arts du dessin et à en déterminer les conditions au double point de vue de la théorie et de la pratique, plusieurs écrivains, sans adopter un plan aussi vaste, entreprenaient de rétablir les origines de certains faits, de nous donner certaines informations spéciales. Les uns, comme M. Sutter dans un savant ouvrage examiné ici même par un juge compétent[1], déduisaient la beauté pittoresque de la combinaison nécessaire et régulière d’un petit nombre de lignes une fois consacrées, scientifiquement prescrites et ne se modifiant suivant les exigences de chaque sujet qu’à la condition de demeurer assujetties au fond à certaines lois immuables de pondération et d’harmonie. D’autres, qu’une longue pratique avait mis en possession de tous les secrets de la peinture, profitaient surtout de cette expérience pour démontrer la subordination des moyens techniques aux idées, et c’est ainsi qu’un des doyens de notre école, M. Couder, écrivait récemment de généreuses Considérations sur le but moral des beaux-arts. D’autres enfin, comme M. le duc de Valmy, étudiaient les caractères successifs de l’architecture chez les différens peuples, demandant aux recherches, aux comparaisons historiques les élémens d’une conviction sur le génie même et sur l’objet exact de l’art.

Ne faut-il voir dans ce mouvement de curiosité studieuse que le caprice de quelques esprits ? N’y a-t-il pas là au contraire un symptôme de plus des coutumes intellectuelles propres à notre temps ? On l’a dit avec raison, chaque siècle a un mot qui le peint celui du nôtre est le mot « question. » Tout en effet est question pour nous, religion ou politique, philosophie ou littérature, histoire même dans ce qu’elle semblait avoir de plus avéré jusqu’ici. Par quelle étrange exception, les conditions de l’art seraient-elles demeurées à distance de l’examen, hors de portée en quelque sorte ? Rien de plus naturel que les efforts tentés de ce côté aussi par l’esprit de révision et d’enquête qui court.


I. — ARCHITECTURE ET SCULPTURE.

Et d’abord les règles existent-elles ? En d’autres termes les beaux talens et les belles œuvres peuvent-ils nous révéler rien de plus que les franchises du goût personnel ? Il n’est pas rare de rencontrer, même parmi les artistes, des gens tout disposés à restreindre en ce sens l’influence et les leçons du passé. — A quoi bon

  1. Voyez, dans la Revue du 1er octobre 1866, les Arts au dessin et la Science, par M. Charles Lévêque.