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la guerre avec l’Autriche. C’était marcher à un inévitable échec. L’Autriche avait été paralysée jusqu’à la fin de 1849 par le soulèvement de l’Italie et de la Hongrie ; mais, celle-ci domptée, elle rentra en scène avec une prodigieuse vigueur. Elle était conduite par le prince de Schwarzenberg, homme aux décisions promptes, à l’exécution rapide, tout l’opposé de Radowitz et de son roi. Il isola d’abord la Prusse en détachant d’elle la Saxe et le Hanovre. Quand les princes avaient eu peur de la révolution, ils s’étaient appuyés sur la Prusse ; maintenant qu’ils avaient plus peur de la Prusse que de la révolution, ils se retournaient vers leur chef de file naturel, vers le vrai représentant de l’esprit conservateur, l’Autriche. Le parlement d’Erfurt avorta, car Frédéric-Guillaume prit peur de son œuvre, et se hâta de clore la session le 29 avril. On touchait aux limites du ridicule. Schwarzenberg, lui, n’hésite pas, il marche bravement sur ses adversaires ; il propose de ressusciter l’ancienne diète, et même il prétend faire entrer dans la confédération tous ses peuples, hongrois, slaves, roumains, intimement associés par une constitution unitaire. Il parvient à grouper autour de lui les souverains du sud, et en octobre à Bregenz les rois de Bavière et de Wurtemberg boivent au succès des armes autrichiennes. Il va ensuite à Varsovie demander le satisfecit de l’empereur Nicolas, le sauveur de l’Autriche, l’Agamemnon devant qui tremblaient alors tous les potentats de l’Allemagne, grands et petits. Schwarzenberg se plaisait à dire de ces mots vifs qui peignent une situation. Il s’écria, dit-on : « Pour démolir la Prusse, il faut l’avilir, » et il remplit ce programme à la lettre.

Frédéric-Guillaume s’était engagé dans deux affaires très épineuses. Pour s’assurer la faveur du parti libéral, son seul appui en Allemagne, il soutenait les insurgés du Holstein, qui voulaient enlever le Slesvig au Danemark, et dans la Hesse il encourageait le peuple, qui avait chassé l’électeur et son ministre exécré, Hassenpflug. L’Autriche prit aussitôt la défense des souverains et se posa en restaurateur de l’ordre. Tous les princes l’ayant suivie à Francfort, la Prusse se trouva réduite à un complet isolement. Schwarzenberg exigea impérieusement que Frédéric-Guillaume retirât ses troupes des duchés de l’Elbe et de la Hesse : c’était lui imposer la plus honteuse reculade. Que faire en présence de ces humiliantes exigences ? Le roi était indécis et malheureux ; il prit un moment le parti de la résistance. A l’ouverture des chambres, il prononce un discours belliqueux et appelle M. de Radowitz au ministère. L’armée est mise sur pied de guerre et la landwehr convoquée ; un souffle guerrier soulève le pays : il se croit revenu aux jours glorieux de Frédéric II ; mais Schwarzenberg resserre son