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le fond même de la Seine, dont le lit est souvent inhospitalier. Ce n’est pas qu’on ne le surveille avec soin et qu’on ne le cure incessamment pour offrir à la navigation toute la sécurité possible. Dix-huit bateaux dragueurs se portent partout où il est nécessaire d’enlever un banc de sable inopinément formé, de ramasser des vases accumulées ou de ressaisir les pierres tombées d’un chaland maladroit écrasé contre un pont.

Lorsque j’aurai dit qu’il existe à Paris 929 bachots, canots, yoles, glissoire, j’aurai parlé, je crois, de toutes les embarcations qui animent la Seine entre Bercy et Auteuil ; mais une partie de la population parisienne vit du travail que développe sur nos ports l’arrivée de tant de marchandises et de tant de bateaux. Indépendamment des mariniers, des pilotes et des conducteurs de trains, il y a des corps d’état qui doivent leur existence à notre marine locale ; il convient de ne pas les passer sous silence. Les coltineurs sont les ouvriers qui, la nuque garantie par un capuchon de forte toile ou de sparterie, portent sur leur tête ou plutôt sur leur cou les fardeaux d’un navire qu’on charge ou qu’on décharge ; les débardeurs font à peu près le même office et deviennent tireurs lorsqu’il s’agit de dépecer les trains de bois ; les dérouleurs sont ceux qui roulent les tonneaux ; il y a aussi les sabliers qui, à l’aide d’une drague à main, extraient le sable du fond de la rivière ; ils ne peuvent exercer leur pénible métier que sur un permis de l’autorité municipale, et d’après l’article 198 de l’ordonnance de police du 25 octobre 1840 ils sont obligés de se tenir à 50 mètres en amont et à 30 mètres en aval des ponts, à 12 mètres des quais et des berges, à 20 mètres des écoles de natation, restrictions excellentes et qui assurent la sécurité de la rivière. Presque tous les tireurs de sable ont un petit bureau où ils reçoivent les commandes que viennent leur faire les jardiniers de Paris. Cette maigre industrie tend à disparaître ; elle est remplacée par les dragueurs à vapeur qui fouillent la Haute-Seine au-dessus de Charenton. A l’heure présente, il n’y a plus à Paris que 19 tireurs de sable. Les déchireurs détruisent, déchirent les bateaux hors de service ; ils ont des ports spéciaux où se fait la mise en pièces : Grenelle, Bercy, la Râpée, Orsay ; encore dans ces divers emplacemens un endroit particulier sévèrement limité leur est réservé. L’inspection générale a la direction immédiate des ouvriers de l’Entrepôt, dont le nombre ne peut réglementairement dépasser cinquante, et des forts du port aux fruits (Grève), qui ne sont que trente en activité pendant la saison des arrivages.

Les ouvriers que je viens de désigner rapidement constituent ce qu’on pourrait appeler l’armée régulière de la Seine ; mais elle a ses enfans perdus, ses bachi-bozouks, qui sont curieux à regarder