Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 72.djvu/18

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sollen ihn nichl haben den freien deutschen Rhein, et que Musset improvisa la sanglante réplique : Nous l’avons eu votre Rhin allemand. A partir de 1844, le sentiment national, rassuré du côté de l’étranger, se tourna vers les réformes intérieures, et attendit de l’institution d’une assemblée délibérante à Berlin la régénération de la patrie. L’avènement de Frédéric-Guillaume IV réveilla un moment les anciennes espérances, et une fermentation inouïe agita toute l’Allemagne[1]. Après la déception nouvelle des états-généraux de 1847, le besoin d’unité et de liberté trouva enfin en 1848 sa complète expression dans le parlement de Francfort, jailli spontanément des entrailles mêmes du peuple et réuni dans l’antique capitale de l’empire germanique. Tous les députés voulaient l’unité ; mais comment la constituer ? C’est sur cette question que se formèrent les deux partis qui se sont depuis lors disputé la prééminence. Il importe de les faire connaître.

Le premier, le parti de la « Grande-Allemagne » (gross deutsch), présentait un programme d’une splendeur faite pour enivrer le patriotisme tudesque : tous les pays allemands, y compris l’Autriche, étant groupés sous la main de l’empereur, les autres possessions autrichiennes, la Hongrie, le Lombard-Vénitien, la Galicie, y étaient nécessairement rattachées, et alors se formait au centre de l’Europe un formidable empire de 70 millions d’habitans, occupant le nord de l’Italie et la Toscane et disposant à son gré du reste de la péninsule, absorbant le Danemark par le Slesvig-Holstein, les provinces danubiennes au moyen des Valaques de la Transylvanie, et les Slaves de la Turquie par leurs compatriotes de la Croatie et du Banat, régnant ainsi d’un côté sur la Baltique et la Mer du Nord, de l’autre sur la Méditerranée et la Mer-Noire, dominant de haut la France par le chiffre de sa population, la Russie par l’industrie, la richesse, la culture intellectuelle, réalisant enfin le rêve magnifique des Othon, des Hohenstauffen et des Habsbourg. L’autre parti, celui de l’Allemagne restreinte (klein deutsch), repoussait ce plan si séduisant, parce qu’il croyait que l’hostilité désespérée de la Prusse le ferait échouer. il se rattachait au contraire à cette puissance, et groupait sous son hégémonie, en un faisceau étroitement uni, tous les états allemands, sauf l’Autriche. Celle-ci, il fallait bien l’exclure de la patrie commune car jamais elle ne se serait soumise à sa rivale. On aurait perpétué le dualisme, et l’unité de direction, — il ne s’agissait, bien entendu, que de celle-là, — aurait été impossible. Au parlement de Francfort, la lutte entre les deux partis fut

  1. Il faut relire les articles de M. Alexandre Thomas dans la Revue pour comprendre ce mouvement, qui préparait les événemens de 1848.