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que nous disions il y a quelque temps ici même des peintres et des architectes de l’école moderne[1], nous l’appliquerons encore aux décorateurs, aux fabricans de toute chose pour l’art industriel. Les récompenses, les applaudissemens accordés par le public éclairé viennent à l’appui des sentimens et de la conviction que nous formulons ici. Voyez la charmante exposition de M. Roudillon ; ne semble-t-il pas que ses étoffes et ses tapis arrivent tout droit d’Alep ou de Pékin ? Ce lit en satin garance rosé de Chine relevé d’applications de velours pareil d’un dessin très pur est un modèle de goût. Là tout est sobre et mérite d’être observé. Nous citerons entre autres son petit tapis d’Aubusson brodé dans le style des serma de Damas et d’une élégance que les Persans ne renieraient point.

Nous n’avons garde d’en dire autant des faïences anglaises qui lui font face. Cette céramique froide et sèche comme tout ce que fait la machine produit, pour des yeux d’artiste, le même effet que l’orgue de barbarie aux oreilles d’un musicien. Si nous passons dans la galerie française des arts libéraux, nous rencontrons Sèvres et Baccarat. Laissons de côté la manufacture impériale ; les critiques que nous nous permettrions sur les formes et la coloration de ses vases pourraient-elles l’atteindre ? Nous ne ferions d’ailleurs que nous répéter. Les observations que nous adresserions à Sèvres s’appliquent en partie aux cristaux de Saint-Louis et de Baccarat. En apercevant ces coupes de trente pieds de haut, ces lustres surchargés de girandoles dont la lourdeur effraie l’œil, bien loin de le charmer, ces amas de cristaux superposées, on cherche son manteau comme s’il s’agissait de traverser les glaces du pôle. Cette coupe formidable, lors même que le dessin en serait excellent, à quoi pourrait-elle jamais servir ? Si vaste que soit la salle à laquelle on la destine, elle est trop grande pour y former une décoration admissible, et l’hiver défend de la placer dans un jardin. Produire des pièces d’une taille qui les rend forcément inutiles, c’est dépasser le but et manquer par conséquent aux lois du bon sens en même temps qu’à celles du bon goût. Que dire de ces vases en verre peint qui cherchent à imiter des tableaux à l’huile ? L’erreur n’est-elle pas plus grossière encore sur ce fond transparent que sur la porcelaine ? Dans tout cela, où trouver le progrès ? Le cristal en est-il plus blanc et plus pur ? ou bien est-ce uniquement la difficulté vaincue qui fait ici tout le mérite ?

Supposons maintenant que ces fabriques, avec les talens, avec les moyens considérables dont elles disposent, se soient posé ce programme : unissons forces pour faire une salle d’été entièrement composée de tous les modes divers dont la fabrication du verre est

  1. Voyez la Revue du 15 octobre 1866.