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de palais qu’on lui donne n’est destiné qu’à le relever de cette parenté vulgaire. C’est le caravansérail de toutes les nations, l’endroit où les commerçans du monde entier viennent abriter leurs marchandises ; il appartient par conséquent à tous les peuples, à tous les styles, et tout est permis au décorateur, pourvu que le sentiment du grand et du beau l’inspire. Aussi aurions-nous aimé que ce palais fût le résultat des efforts de tous les arts et de toutes les industries, au lieu de devenir le monopole de quelques usines déjà surchargées de travaux. C’était une belle occasion de donner un peu d’élan et de vitalité à ces travaux de décoration qui meurent de détresse, sculpture, peinture, marbres et faïences, poterie, dallage et tant d’autres ; mais qu’importent maintenant ces questions et ces regrets ? A cet amphithéâtre naturel si heureusement placé et si bien approprié à l’établissement d’un édifice grandiose, on a préféré substituer une pente affadie, un désert sans caractère et sans grandeur. Le nivellement, l’uniformité partout, tel semble être le mot d’ordre de notre époque.

Ces timides réflexions seront sans doute traitées d’audacieuse révolte, car c’est une grande hardiesse de protester contre l’esprit du jour, qui n’est pas précisément favorable aux aspirations vers le beau. L’éducation qui depuis soixante ans dirige toutes les intelligences vers les études positives a été certainement une des raisons principales de l’abaissement des idées en matière d’art. L’artiste et l’artisan ne croient plus à ces forces extérieures et morales qui ont élevé si haut les maîtres du moyen âge. L’homme croit surtout aux mécanismes de son invention ; essentiellement empirique dans l’art comme dans la science, il se contente de voir les effets sans remonter aux causes. Pressé de vivre, ne songeant qu’au présent, ne comptant plus sur un lendemain, il s’agite dans un milieu qui ne laisse ni repos ni liberté à son intelligence. « Le génie, a dit Buffon, est une longue patience, » et la patience n’est-elle pas le temps, le temps, ce collaborateur de la nature dans toutes ses créations, que nous dédaignons de faire concourir à la perfection des nôtres ? En Occident, la question principale est non plus de faire du beau, mais de produire vite, beaucoup et au meilleur marché possible. Les artistes eux-mêmes se laissent entraîner dans ce tourbillon.


I

Au milieu de l’accumulation des objets exposés au Champ de Mars, nous dirigerons notre promenade vers les produits de l’Orient, car c’est là que nous aimons surtout à retrouver les règles, les lois, les exemples de fabrication intelligente, trop méconnus