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sous Cyrus et ses successeurs dans le pays de la déportation formèrent de petites sociétés à part, autonomes, sous la suzeraineté bienveillante des rois de Perse, qui comptaient plus sur leur fidélité que sur celle de l’ancienne aristocratie chaldéenne, et nous avons vu que le lien religieux entre les Juifs de Babylone, comme on les appelait, et les Juifs de Judée resta étroit. Au commencement de notre ère, les sociétés juives de Mésopotamie et de Babylonie étaient prospères, riches, nombreuses. Elles peuplaient en tout ou en grande partie plusieurs villes importantes de la fertile région de l’Euphrate, Naardée, Pumbadita, Syra et beaucoup de localités moins connues, quelques-unes même, telles que Machuza, situées sur le Tigre et presque aux portes de Ctésiphon. Cette agglomération juive, qui s’étendait en forme de poire du cours moyen du Tigre au cours inférieur de l’Euphrate, avait jeté de nombreux essaims dans les pays voisins, et à travers l’Arménie et la Cappadoce donnait la main aux colonies juives de l’Asie-Mineure. On sait à combien d’hypothèses a donné lieu le silence complet de l’histoire sur la destinée ultérieure des Israélites des dix tribus déportés en Assyrie par les rois ninivites plus d’un siècle avant la destruction du royaume de Juda par les Chaldéens. Les uns ont cru les retrouver en Arménie, d’autres en Chine, d’autres jusqu’en Amérique. M. Jost croit, et son opinion s’appuie sur des considérations très plausibles, que les débris de ces tribus du nord se rapprochèrent de leurs compatriotes du sud, attirés par les affinités de sang, de langue, de croyance et d’intérêt. Par là nous comprenons mieux l’importance numérique de ces établissemens juifs de l’Asie centrale, qui s’accrurent encore par l’arrivée successive d’un certain nombre de familles fuyant la Palestine chaque fois que celle-ci était le théâtre de quelque catastrophe, ce qui arriva souvent. Croirait-on que l’an 20 de notre ère, profitant des faiblesses intestines de l’empire parthe, deux aventuriers juifs, deux tisserands de Naardée, Asinaï et Abilaï, créèrent un état juif indépendant qui dura seize ans ? A la fin, la discorde se glissa entre les deux chefs, et les Parthes finirent par avoir raison de l’état dissident.

Au moment où le judaïsme babylonien sort de l’obscurité profonde qui recouvre les premiers temps de son histoire, nous le voyons dirigé par un magistrat suprême héréditaire, le resch galuta ou prince de l’exil, qui lui-même était Juif et à qui les rois perses avaient accordé un certain pouvoir. L’empire parthe conserva cette organisation, qui rappelle tout à fait celle des sociétés non musulmanes dans l’empire turc d’aujourd’hui, Ces princes, de l’exil prétendaient rattacher leur généalogie à la maison de David. Longtemps forcés à une grande modestie d’allures, ils tranchèrent peu