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R. Akiba, qui crut voir en lui le messie, appela Bar-Kochba, le fils de l’étoile, par application du passage : « une étoile s’est levée de Jacob et un sceptre du milieu d’Israël[1]. C’était un homme d’une force prodigieuse, capable, dit-on, de repousser, du pied les pierres lancées par les balistes romaines, et qui, peut-être, ébloui lui-même par la rapidité de ses premiers succès, paraît avoir pris au sérieux sa dignité messianique. La confiance qu’il inspira devint bientôt une sorte de culte. Tous les Juifs en état de porter les armes se rassemblèrent autour de lui, et si Dion Cassius exagère en évaluant à 580,000 le nombre de ses soldats, il est certain toutefois qu’il se vit un moment à la tête d’une armée formidable. Avant d’être admis dans les rangs, il fallait ou s’écorcher complètement un doigt ou déraciner un arbre en passant au galop. Pour comble de gloire, il battit les premières troupes romaines envoyées contre lui. Bar-Kochba revêtit alors les insignes de la royauté. Il fit frapper des monnaies symboliques avec l’inscription : « pour la délivrance de Jérusalem. » Il se montra clément pour les ennemis prisonniers ; il avait d’ailleurs des soldats de naissance païenne associés aux Juifs dans une pensée commune de haine contre Rome. Il fut moins tolérant pour les Juifs chrétiens qui avaient refusé de prendre part à l’insurrection, et les fit flageller comme transgresseurs de la loi. Cette révolte dura deux ans (132-134). Adrien se vit forcé d’envoyer de Bretagne, en Palestine son meilleur général, Julius Severus, qui comprit mieux que ses prédécesseurs ce qu’il avait à faire, c’est-à-dire qu’il temporisa, laissa le premier feu du soulèvement s’apaiser de lui-même, et s’attacha surtout à bloquer le pays insurgé pour le reconquérir méthodiquement. Les Juifs, retranchés dans quelques places fortifiées, se défendirent comme toujours avec un acharnement héroïque, mais chaque mois vit diminuer leurs ressources et leur nombre. Bar-Kochba, qui aurait voulu utiliser les nombreux soldats qu’il ne pouvait longtemps nourrir dans un pays épuisé, fit de vains efforts pour décider le général romain à livrer une grande bataille. La prise de Bétar, dont il avait fait son centre de résistance, acheva sa défaite, et lui-même mourut obscurément, sans qu’on sache au juste comment périt ce dernier héros de l’indépendance d’Israël. La tradition juive, toujours encline à rattacher les revers nationaux aux fautes des chefs du peuple, lui reproche d’avoir eu trop de confiance en lui-même. Il ne demandait à Dieu que la neutralité : « Seigneur, disait-il, dans ses prières, si tu ne veux pas nous aider, du moins n’aide pas nos ennemis, et nous triompherons. »

  1. Nom., XXIV, 17.