Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 72.djvu/1041

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

commentaire dans le secret atelier où s’élaboraient, presque sans tâtonnemens, ses immenses compositions. M. Delestre analyse en grand détail et en homme qui sait voir toutes les œuvres du maître. Ces analyses pèchent par le défaut de critique, par l’excès d’une admiration trop uniforme. En revenant, pour le refondre et l’étendre, sur un ouvrage publié une première fois il y a plus de vingt ans, l’auteur aurait dû, quels que soient sa reconnaissance et son culte pour l’artiste qui fut son maître, ou plutôt à cause de cette reconnaissance même, ramener ses jugemens à la juste mesure ; ils en auraient plus d’autorité. Il y a, quoi qu’il en dise, bien des tableaux faibles dans l’œuvre de Gros et dans ses toiles les plus admirées bien des disparates, Sa gloire a commencé et fini avec l’empire, elle est tout entière ou à peu près dans ses batailles ; « ces sortes de tableaux » sont les vrais monumens de son génie. Le portrait seul, par où il avait débuté, lui a encore porté bonheur dans la suite. Hors de là, il n’a terminé sous la restauration qu’un seul grand ouvrage qui soit digne de lui : c’est la coupole du Panthéon, dont l’histoire curieuse rappelle celle de nos vicissitudes politiques et mit à si longue épreuve la patience et la docilité de l’artiste. Elle lui avait été commandée par Napoléon Ier en 1811. Elle devait, dans le premier projet, représenter sous une forme religieuse (car il est certain que Napoléon avait pris la résolution de faire du Panthéon une église) les héros des quatre dynasties qui avaient successivement occupé le trône de France. Malheureusement la coupole n’était pas achevée lorsque Napoléon tomba ; il était naturel que le représentant unique de la quatrième dynastie, exilé du trône et de la France, le fût également du monument, où il avait voulu inscrire « l’acte de baptême de sa race, » et se placer à son rang dans la série des souverains légitimes. Le 10 août 1814, un chef de division du ministère, M. Neuville, informait Gros au nom du roi que la quatrième place dans la coupole devrait être occupée non par Napoléon, mais par Louis XVIII et son auguste nièce, la duchesse d’Angoulême. Bientôt Napoléon, rentrait en France, et le 31 mars 1815 M. Neuville, toujours chef de division, annonçait à l’artiste qu’il eût à rendre à Napoléon la place qui lui était destinée ; il l’invitait à mettre dans l’achèvement de son travail toute l’activité possible : invitation prudente, qui se trouva pourtant inutile, car peu de mois après Louis XVIII était remis définitivement en possession du trône et de la quatrième place de la coupole. Elle lui est restée malgré la révolution de 1830 et le retour de la quatrième dynastie, par suite, la composition peinte sur la coupole a jusqu’à un certain point changé de sens : au lieu de rappeler les gloires historiques de la France par le souvenir des plus grands hommes de chacune des dynasties qui ont régné sur elle, la coupole semble célébrer plutôt la gloire de l’église et les services que lui ont rendus Clovis, Charlemagne, saint Louis et la restauration.