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ESSAIS ET NOTICES.

POLITIQUE ALLEMANDE DE LA PRUSSE.
Preussens deutsche Politik par Adolphe Schmidt. Leipzig, Veit et Comp., 1867.

Tant d’auteurs sont venus, depuis que la Prusse a vaincu, proclamer après coup sa mission historique, qu’il n’est plus guère possible de prendre un bien vif intérêt à ces tardives apologies. Cependant une place à part est due, parmi ces apologistes de la victoire, à M. A. Schmidt, ancien membre du parlement de Francfort, professeur à l’université d’Iéna. Dans un écrit publié dès 1850, à une époque trop féconde en utopies, il appelait de ses vœux une volonté hardie qui coupât court aux rêves et y substituât l’action rapide et forte ; au fond, il adressait à la Prusse l’invitation de doter à ses risques et périls l’Allemagne de l’unité. Cet homme résolu s’est rencontré, et M. A. Schmidt s’applique aujourd’hui, dans un ouvrage qui est le développement du premier, à donner aux plans réalisés par M. de Bismarck une généalogie ; il montre que les événemens de 1866 sont le couronnement d’une politique qui date de quatre-vingts ans. Pour conquérir à la Prusse la place qui lui appartient en Allemagne, et lui permettre de se constituer dans son indépendance, M. A. Schmidt dirait volontiers dans sa suprématie naturelle, il fallait d’abord évincer l’Autriche et sa clientèle. Or trois fois depuis un siècle ce plan d’exclusion et celui d’une fédération tout allemande avaient été conçus et adoptés comme principe de la politique prussienne, par Frédéric II en 1785, par Frédéric-Guillaume III en 1806, par Frédéric-Guillaume IV en 1849 ; l’honneur de voir cette grande pensée réalisée sous son règne était réservé à Guillaume Ier. Ce sont ces quatre épisodes que M. Schmidt retrace longuement en s’appuyant sur force documens peu connus ou inédits pour en tirer une éclatante justification de la Prusse et en inférer la politique qu’il convient de suivre aujourd’hui.

En l’année 1784, Frédéric II avait écrit de sa main un projet de ligue entre les princes d’Allemagne calquée sur le modèle de celle de Smalcade. Le 23 juillet de l’année suivante, il formait sous le nom inoffensif