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saluait pieusement comme bénie par une initiation pontificale. Mais Pie IX fit naître ailleurs, dans ces commencemens des illusions bien autrement surprenantes. Au risque de nous attirer une réclamation de M. Mazzini, nous oserons rappeler qu’en septembre 1846 le célèbre agitateur écrivit au pape pour le féliciter et abdiquer entre ses mains son rôle de chef de parti. C’est ce que nous venons de lire dans un recueil : La question romaine devant l’histoire, où sont réunis, de 1846 à 1867, les actes officiels, les débats législatifs, les documens diplomatiques relatifs à la question romaine. Les malheurs qui ont suivi l’aube du règne de Pie IX ne sont, hélas ! que trop connus. Puisque ses scrupules rendent impassible sa réconciliation avec l’Italie, on voudrait que l’Italie fût douce et patiente envers cette vieillesse vénérée, on voudrait que la suprême infortune de la déchéance politique fût épargnée au pieux pontife.

L’avantage qu’on trouverait de tous côtés dans une résignation temporaire au statu quo serait de ne point soulever des débats irritans sur de vaines et stériles formules. La politique expectante serait moins périlleuse qu’une tension imposée aux relations internationales par des combinaisons artificielles de diplomatie. Il ne nous semble guère possible, après la déclaration de M. Rouher, que la conférence se réunisse. L’engagement impérieux de la France annoncé par M. Rouher est un programme absolu ; les cabinets qui demandaient, avant de répondre à notre invitation, communication des bases d’arrangement qui seraient proposées par nous connaissent maintenant notre ultimatum, et ne doivent plus attendre d’éclaircissemens de la part du cabinet des Tuileries. Il est hors de doute que les trois plus grandes puissances de l’Europe ne pourront s’associer à une garantie absolue de l’existence et de l’intégrité de la souveraineté pontificale. Ni l’Angleterre, ni la Russie, ni la Prusse, ne peuvent, en conformité avec leurs religions nationales, devenir les tuteurs perpétuels de la puissance temporelle du chef de la catholicité. Au lieu d’assurer la durée de l’énorme privilège ecclésiastique qui existe à Rome, les hommes d’état anglais songent sans doute avec une prudence intelligente à atténuer, sinon à complètement abolir encore les bénéfices temporels que leur propre église épiscopale possède avec tant d’injustice en Irlande. Le protestantisme et la philosophie ont, dans la confédération allemande du nord, l’immense majorité des populations et des classes éclairées, et se garderont bien de sacrifier l’Italie à un soi-disant intérêt catholique. Quant à la Russie, elle persécute les catholiques chez elle ; on ne peut se promettre de la placer parmi les protecteurs du pape, qui proteste contre ces persécutions avec une fermeté et une persévérance dignes d’éloges. Si l’on ne parvient point et si l’on renonce a rassembler une conférence, sur quelles bases les rapports de la France avec l’Italie seront-ils réglés ? La convention du 15 septembre conserve-t-elle sa validité ?