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l’examen des difficultés actuelles sans apprécier la délicatesse des susceptibilités françaises froissées par le coup de main garibaldien. De même les politiques français qui ne sont point hostiles à l’Italie, qui n’ont point la pensée impie de replonger ce pays dans ses vieilles misères, ne peuvent méconnaître la blessure que lui infligerait une nouvelle occupation prolongée d’une portion de territoire italien. Un sentiment de justice réciproque devrait donc rapprocher dans une commune entente les hommes intelligens et équitables des deux pays. Une bonne volonté et une prudence communes devraient trouver facilement le moyen de prolonger le statu quo qu’on avait voulu asseoir dans la convention du 15 septembre. Une grande raison de sympathie personnelle, celle de la sécurité morale de Pie IX, devrait inviter les politiques de France et d’Italie à une patiente conciliation.

C’est une étrange et dramatique destinée que celle du pape régnant. Aucun souverain vivant n’a donné le branle en sens contraire à des mouvemens politiques plus divers. Il a fait tourner bien des têtes. Nous rappelions naguère l’influence qu’il avait eue au début de son règne sur le mouvement révolutionnaire européen commencé vers 1846. L’air d’initiative libérale qu’eurent ses débuts remua vivement les partis cléricaux dans les pays catholiques. Nous fûmes surtout en France témoins de ces tressaîllemens généreux. Le souvenir nous revenait, il y a quinze jours, des applaudissemens que les cléricaux légitimistes donnèrent, dans leur brigue électorale, à la révolution de février en se plaçant sous l’invocation de l’initiative prise par le nouveau pape. À ce sujet, nous faisions allusion à une phrase écrite le 25 février 1848 par M. de Falloux, où il était parlé d’une façon curieuse du pouvoir temporel. « M. de Falloux, écrivions-nous, montrait le pape prêt à sacrifier son pouvoir temporel aux vœux qu’on formait alors pour le bonheur de l’Italie, de la France et du genre humain. » Nous notions en passant un signe d’un temps déjà reculé ; nous n’avions point l’intention d’insister sur une critique littérale. M. de Falloux, dont nous ne partageons point les opinions, mais qui n’a jamais eu, il le sait, le droit de nous reprocher aucune malveillance personnelle, fait passer sous nos yeux le texte exact de la phrase écrite par lui : « Pie IX dit, depuis le commencement de son règne, qu’il est prêt à sacrifier son état temporel plutôt que la moindre de ses obligations comme pape ? . Prions Dieu qu’il ne soit pas mis à cette épreuve ; mais appliquons-nous plus que jamais à méditer les enseignemens prodigieux qui ressortent du langage et des exemples de Pie IX. » A merveille ! nous avions pris par mégarde la liberté d’interpréter les devoirs du pape d’une façon qui certes n’a rien d’offensant. On n’en trouvera pas moins curieuse cette préoccupation du pouvoir temporel et cette exhortation à méditer sur le langage du pape à cet égard, arrivant au lendemain d’une révolution que le parti qui comptait M. de Falloux parmi ses chefs