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avec angoisse au gouvernement quelle est sa politique, quand il déclare en gémissant que la France n’a plus de politique. Bien que la route qui nous est montrée par M. Thiers ne soit point la bonne, il est impossible de n’être point touché de ces anxiétés patriotiques exprimées avec cet esprit et cette éloquence. De même M. Rouher perd le sang-froid gouvernemental, et avec son tempérament d’orateur se laisse dominer par l’électricité maladive d’une assemblée exaltée. Il prononce des paroles formidables, il prend des engagemens improvisés qui mettent presque en désarroi toute diplomatie, il plonge hardiment dans l’avenir et déclare que le pouvoir temporel ne sera jamais enlevé par l’unité italienne ; mais au milieu de ces protestations hautaines M. Rouher, il faut lui en tenir compte, défend toujours le maintien de l’unité de l’Italie contre ceux qui vont jusqu’à vouloir la détruire, et son « jamais » redoublé n’est adressé qu’aux entreprises de la violence. A y regarder de près, et quoique M. Rouher ait dédaigné les précautions oratoires employées par M. de Moustier avec une discrétion professionnelle, le langage du ministre d’état est moins absolu qu’il ne semble. Puisque M. Rouher maintient l’unité de l’Italie et ne lance l’anathème qu’à la violence employée contre le pouvoir temporel, il n’a point brûlé ses vaisseaux autant qu’on l’a prétendu. Le gouvernement italien ne poursuit que l’unité nationale et désavoue les moyens violens. Il n’est donc point impossible de s’entendre encore.

La maladresse des conduites aboutissant au conflit intempestif et imprévu des principes, voilà le mal et le danger de la crise actuelle. Est-il encore temps de redresser les conduites et d’obtenir par l’ajournement du conflit des principes le maintien du statu quo ? Voilà l’affaire pratique du moment. Il faut revenir modestement au terre à terre. Par la promptitude avec laquelle la moitié des troupes de notre expédition dans l’état romain a été rapatriée, il est visible que le gouvernement n’a aucun goût à recommencer l’occupation française. A voir l’attitude du cabinet italien et le commencement des discussions parlementaires de Florence, il paraît certain que l’Italie n’a point la pensée de s’emparer de Rome par la force. Les étourderies de Garibaldi, les finesses mal calculées de M. Rattazzi, ont appris à tous les hommes d’état patriotes de l’Italie que le vœu national ne peut être satisfait par la brusquerie d’une agression armée contre Rome. Nous sommes persuadés également qu’aucun politique italien sérieux ne peut méconnaître que la tentative de Garibaldi et l’impuissance alléguée par M. Rattazzi devant la prise d’armes des volontaires plaçaient le gouvernement français dans une position fausse et intolérable. Il y avait là une de ces flagrantes questions d’honneur, un de ces cas de dignité et de bienséance qu’un gouvernement ne peut, en dépit des principes dont relève sa politique, laisser résoudre contre lui-même. Les politiques italiens ne peuvent point aborder