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immense majorité, est encore à peu près le corps législatif de 1852. A l’époque de sa formation primitive, au lendemain du coup d’état, la fonction de la représentation nationale avait été départie aux hommes qui faisaient volontiers le sacrifice de la liberté aux intérêts de l’autorité en matière de politique et de religion. Une coalition s’était spontanément produite entre l’esprit de conservation outrée et le cléricalisme. Malgré sa constante docilité, le corps législatif, composé toujours à peu près des mêmes hommes, a conservé les préoccupations et les préjugés de 1852, et n’a jamais au fond accepté avec une approbation intime la conduite et les résultats de la politique étrangère pratiquée par le gouvernement depuis la guerre d’Italie. La récente expédition de la France contre les garibaldiens, notre seconde intervention à Rome, la sévérité, l’énergie, l’impétuosité de la répression exercée contre les corps francs italiens, ont soulagé d’un poids immense la conscience inquiète et si longtemps torturée des conservateurs cléricaux de la chambre. C’est à l’explosion naïve et fougueuse de ces sentimens, aigris par de longues contrariétés et tout à coup exaltés par le succès imprévu d’une réaction soudaine, que nous venons d’assister. Nous dirons tout de suite qu’à nos yeux cette bruyante agitation sera éphémère, et n’empêchera point, si même elle réussit à la retarder, la solution logique et naturelle de l’antagonisme qui existe entre la constitution politique de l’Italie et le vieux système de la puissance temporelle du saint-siège.

Quoique devant les démonstrations violentes du corps législatif la cause libérale, compromise par les dernières étourderies italiennes, ait éprouvé une sorte d’échec apparent, l’épreuve de la discussion n’a point été sans profit pour elle. Jamais les organes de l’opinion libérale dans la chambre n’avaient exposé avec plus de méthode et une philosophie plus élevée le principe de la séparation du pouvoir civil et du pouvoir religieux, si fortement établi par la révolution française. Dans son grand exposé de la question romaine, M. Jules Favre a démontré avec une autorité suprême que la politique adoptée par le gouvernement français envers la constitution de la nationalité italienne ne pouvait longtemps retarder, sans se démentir elle-même, la fin de l’union à Rome du pouvoir, politique et du pouvoir religieux dans les mêmes mains. M. Jules Simon a, lui aussi, défini avec une parfaite équité d’esprit, avec un accent généreux, les conditions où dans l’avenir les religions et par conséquent les hiérarchies sacerdotales devront trouver les garanties de leur indépendance. L’asile sacré, inexpugnable, est dans la liberté du droit commun. Les cultes ne peuvent chercher leur liberté légitime que sous la sanction des institutions qui assurent les libertés générales. On voit ainsi s’ouvrir dans l’avenir la perspective d’une conciliation loyale, spontanée, naturelle, entre les conditions de la société civile moderne, et les développemens de l’esprit religieux. Les partisans obstinés du pouvoir