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claire, exacte, méthodique, un peu sèche, un style correct, mais froid, des idées nettes, qui manquent seulement d’éclat, voilà ce qu’on rencontre dans les publications déjà nombreuses de ce zélé vulgarisateur. « L’artiste, nous dit M. Guillemin dans sa préface, se garde d’émousser la vivacité de ses impressions par une froide analyse ; l’homme de science au contraire n’aspire, en présence de la nature, qu’à en dépouiller la magnifique et poétique enveloppe, qu’à la disséquer pour en pénétrer tous les secrets… Il ne faut donc point chercher dans l’étude des phénomènes physiques, faite au point de vue de la science pure, le charme des descriptions poétiques ou pittoresques. » Il nous semble qu’il y aurait beaucoup à dire contre cette profession de foi, qui caractérise très bien les tendances de l’auteur. L’artiste cesserait d’être artiste, s’il n’analysait pas ses impressions ; le savant qui, négligeant le côté philosophique et, si l’on veut, poétique de ses études, se condamnerait à rester éternellement terre à terre, amoindrirait la science, qui ne serait plus alors qu’une simple satisfaction de curiosité. Heureusement la science elle-même se charge de redresser ses autels renversés ; elle s’empare de ceux qui osent pénétrer dans le sanctuaire au lieu de n’en explorer que les frises et les corniches, et les force à voir dans l’univers encore autre chose que des lois, des phénomènes, et le monotone train-train des causes et des effets. Ces réflexions que nous suggère le point de vue choisi par M. Guillemin ne nous empêchent pas cependant de reconnaître l’utilité et le mérite de l’ouvrage qu’il vient de faire paraître ; c’est un traité de physique élémentaire au courant de l’état de la science et qui pourra être consulté avec fruit. On y trouvera les résultats des recherches les plus récentes utilisés et développés dans un langage simple et précis qui les rend accessibles même aux personnes dépourvues de connaissances scientifiques. M. Guillemin, pour atteindre ce but, a eu à vaincre de grandes difficultés ; il en est venu à bout avec un rare bonheur. La tâche qu’il s’est choisie n’est certes pas la moins ardue, elle exige des connaissances solides et cette logique naturelle que l’on ne rencontre pas toujours même chez les savans, — Pour nous résumer, nous avons constaté cette année un progrès visible dans les publications qui ont pour but la diffusion des connaissances scientifiques. Des savans recommandables, des écrivains de talent se sont mis à l’œuvre et nous ont donné des livres qui, pour être plus abordables et plus attrayans que les traités proprement dits, n’en sont pas moins sérieux ni moins dignes d’être pris pour guides par ceux qui désirent s’aventurer dans le dédale des sciences ; ces ouvrages relèvent d’une manière heureuse le niveau de la vulgarisation scientifique, qui ! menaçait de dégénérer en métier.


R. RADAU.