Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 72.djvu/1020

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Bouche un petit filet limpide d’eau très douce et très pure. L’île de la Réunion a fourni à nos serres et à nos jardins plus d’un exemplaire de cet arbre providentiel, dont quelques voyageurs on a tort mis en doute les propriétés précieuses. N’a-t-on pas d’ailleurs l’arbre à lait et l’arbre à pain ?

A propos du tabac, M. Rambosson fait entrevoir une application vraiment importante de ce végétal, que l’on ne croyait bon qu’à produire de la fumée. D’après un témoin oculaire, feu M. Cochet, les sauvages de l’Amérique s’en serviraient comme d’un antidote infaillible contre le charbon et contre les piqûres d’insectes ou de serpens venimeux ; il guérirait même la piqûre du serpent à sonnettes, qui est considérée comme la plus redoutable. Voici ce qui est en usage parmi les Indiens, si nous en croyons le voyageur déjà nommé. Lorsqu’un homme est piqué par un insecte ou un reptile dangereux, il s’empresse de mettre dans sa bouche la valeur d’une bonne chique de tabac à fumer ; il le mâche, en avale le jus, et applique le résidu sur la plaie. Tel est le célèbre remède des sauvages, qui parcourent sans vêtemens, ou couverts seulement d’un pagne, les forêts vierges remplies, d’animaux venimeux. On sait que dans ces forêts on rencontre les terribles fourmis noires, les araignées grosses comme la main, dont la piqûre est aussi dangereuse que celle des vipères et qui vous surprennent à l’improviste, ennemis silencieux et redoutables. Les Yuracares de la Bolivie ne vont jamais à la pêche ou à la chasse sans remplir de tabac une petite gourde qu’ils portent pendue à leur cou en guise de scapulaire. Sans cette précaution indispensable, ils n’oseraient pas s’aventurer dans les forêts. Pour eux, le tabac est un sauveur ; ils ont tant de confiance dans les propriétés salutaires de cette herbe, qu’ils l’adorent un jour de l’année avec de pompeuses cérémonies. Quand l’époque de la solennité approche, ils construisent dans l’endroit le plus obscur de la forêt une cabane en forme de rotonde, ornée de fleurs et de plumes d’oiseaux aux couleurs éclatantes. La rotonde est soutenue au centre par une colonne au pied de laquelle les Indiens placent une corbeille richement décorée qui renferme un rouleau de tabac. Toute la tribu se tient autour de ce sanctuaire dans un silence religieux et plein de recueillement ; un à un, ils y entrent pour se prosterner et pour adorer. Ce récit de M. Cochet date de 1827. Ne vaudrait-il pas la peine de mettre le tabac à l’essai comme contre-poison, après lui avoir laissé si longtemps jouer le rôle de poison… agréable ?

Encore un ouvrage de luxe, illustré de quatre ou cinq cents figures et orné de magnifiques planches imprimées en couleur : les Phénomènes de la physique, expliqués par M. Amédée Guillemin. M. Guillemin excelle à rendre un sujet limpide, à en dégager les abords de ce qu’ils peuvent avoir d’ardu, à simplifier les démonstrations et les descriptions ; c’est là le mérite et le côté utile de ses livres. Une exposition généralement