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géologie, la physique et l’astronomie : la géologie pour interroger le passé, l’astronomie pour sonder l’avenir, la physique pour démontrer les lois qui la régissent. Grâce aux efforts réunis d’un grand nombre de travailleurs, elle fait des progrès d’autant plus rapides qu’elle est plus jeune d’origine, et déjà depuis l’apparition du Cosmos s’étaient accumulés d’immenses matériaux qu’il était temps de coordonner et de classer sous des points de vue généraux. C’est ce que M. Reclus a entrepris avec un courage, digne des plus grands éloges ; il suffit de parcourir l’ouvrage dont il vient de publier la première partie pour reconnaître que l’auteur y a condensé le fruit d’études aussi profondes, qu’étendues, et qui ont été constamment guidées par un esprit de critique inaccessible aux entraînemens de la routine. On rencontre malheureusement dans toutes les branches de nos connaissances une foule de doctrines commodes qui séduisent l’esprit par une apparence de simplicité, et qui se transmettent de génération en génération, parce qu’il est plus aisé de suivre une ornière tourte tracée que de frayer une route nouvelle. Les programmes qui posent les bases de l’enseignement officiel et en fixent les limites contribuent à immobiliser les doctrines, et les vulgarisateurs trop pressés de produire répandent les erreurs comme les vérités avec la plus naïve impartialité. La franchise et la sévérité avec lesquelles M. Reclus examine les théories qu’il expose méritent donc d’être signalées comme une louable exception et comme un titre sérieux à la confiance du lecteur.

Voyageur intrépide lui-même, l’auteur a d’ailleurs contemplé de près la plupart des grandes scènes de la nature dont il nous trace le tableau saisissant ; il a foulé les volcans et les glaciers, parcouru les mers et les continens. « Ce n’est point seulement aux livres, nous dit-il, c’est à la terre elle-même que je me suis adressé pour avoir la connaissance de la terre. Après de longues recherches dans la poussière des bibliothèques, je revenais toujours à la grande source et ravivais mon esprit dans l’étude des phénomènes eux-mêmes. Les courbes des ruisselets, les graviers de sable de la dune les rides de la plage, ne m’ont pas moins appris que les méandres des grands fleuves, les puissantes assises des monts et la surface immense de l’océan. »

Ce premier volume de la Terre (un volume de plus de huit cents pages) se divise en quatre parties, dans lesquelles l’auteur considère successivement la planète, — les terres ; — la circulation des eaux, — les forces souterraines. Il commence par définir la place que la terre occupe au milieu des astres. Elle y tient dignement son rang par la suprême harmonie de toutes ses parties et de tous ses mouvemens ; planète aux allures arythmiques, elle est en petit le représentant des mondes. Cari Ritter, dans ses derniers cours, aimait à préciser davantage cette idée[1].

  1. Allgemeine Erdkunde. Berlin, 1862 (publication posthume).