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développée à grands frais, peut-être même à perte, car dans ce genre d’opérations les commencemens sont toujours plus ou moins livrés à l’inconnu. Avec l’adjudication, il faut préciser avec la plus stricte rigueur dans le cahier des charges le nombre, les dates, les vitesses des voyages, la direction des lignes, et, comme les relations commerciales et postales sont sujettes à se modifier et à se déplacer, il importe que le traité passé entre l’état et l’entreprise soit de courte durée. Or une concession à court terme exige une plus forte dépense d’amortissement annuel, et doit par suite être plus coûteuse.

La concession directe n’offre pas ces inconvéniens. Elle laisse à l’état une plus grande autorité sur le concessionnaire. Quelque précises que soient et doivent être les conditions du traité, elle permet d’obtenir plus facilement des augmentations ou des modifications de parcours et de réaliser sans retard les progrès que réclame l’intérêt public. Les contrats pouvant dès lors s’étendre à une plus longue période, l’entreprise, qui a l’avenir devant elle, s’organise plus largement, ne craint point d’engager une plus forte somme de capital, jouit d’un meilleur crédit, et se trouve dès lors mieux en mesure de développer son exploitation lorsque le gouvernement, tuteur et organe de l’intérêt général, le juge utile. C’est ce que nous avons vu en France, où les conventions primitives conclues avec la compagnie des Messageries impériales et avec la Compagnie générale transatlantique ont été successivement modifiées par des additions de services que l’on eût obtenues moins aisément et surtout moins promptement de compagnies procédant du régime de l’adjudication. Il y a là pour le public, c’est-à-dire pour l’intérêt prépondérant, un avantage incontestable. La seule objection consiste en ce que les concessions de toute nature, stipulant des subventions en argent ou des privilèges plus ou moins étendus, ne sauraient être laissées à l’arbitraire du gouvernement et des fonctionnaires qui le représentent ; mais cette objection de vient sans valeur du moment que les contrats et les noms des contractai sont soumis au contrôle du pouvoir législatif et que la concession ne peut être définitive qu’en vertu d’une loi. Au moyen de cette procédure, toutes les demandes, toutes les réclamations des parties intéressées sont soumises à un examen attentif ; les chambres, la presse, le public, sont appelés à donner leur avis ; l’affaire se traite au grand jour, et il faudrait plaindre les pays où ces garanties ne suffiraient pas pour assurer la convenance en même temps que l’honnêteté de ces grandes transactions. En résumé, nous estimons que, si l’on met en balance les avantages et les inconvéniens des deux systèmes, la concession directe est préférable à l’adjudication publique pour la constitution des services de paquebots.