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devient contraire ; d’énormes masses d’eau se soulèvent et se dressent devant lui comme des remparts qui ne s’écroulent à son choc que pour menacer de l’engloutir sous leurs débris. Aussi quels prodiges de science, d’art et de travail pour donner la force et la vitesse à ce merveilleux instrument de transport qui contient tout en lui, le moteur, le combustible, les passagers, les marchandises, et qui remplit sur l’océan, avec plus d’audace et d’une façon plus complète, le même office que la locomotive roulant sur les voies ferrées !

Une grande, et belle industrie est née et s’est développée avec les paquebots. Déjà en 1853, alors qu’il s’agissait de créer en France les premières compagnies de transports à vapeur sur l’Océan, nous l’avons étudiée à ses débuts[1]. Que de progrès accomplis depuis cette époque ! Un ingénieur éminent, dont le nom est attaché aux œuvres les plus éclatantes et les plus utiles de l’industrie contemporaine, M. Eugène Flachat, vient de publier sur la navigation à vapeur un ouvrage complet, dans lequel sont consignées les notions scientifiques en même temps que les lois économiques qui président à l’organisation des paquebots. Ce remarquable travail nous fournit l’occasion toute naturelle de poursuivre, à l’égard des transports par mer, l’étude à laquelle nous nous sommes précédemment livré sur les transports par les voies ferrées. Ce sont, à vrai dire, les mêmes problèmes économiques, politiques et sociaux que provoque cette vaste question des transports maritimes ou terrestres. Faciliter les relations entre les hommes, multiplier les échanges de produits, en d’autres termes améliorer les conditions de la vie sociale, telle est la mission que remplissent les paquebots aussi bien que les chemins de fer. Nous voudrions donc exposer clairement l’organisation et le mode d’exploitation des paquebots, dire les résultats obtenus et indiquer, à la lumière des expériences faites dans les différens pays, les moyens d’étendre et de perfectionner ce système de communications, qui est destiné à prêter un concours si efficace aux idées de paix et de travail.


I

Un paquebot pourvu et aménagé pour des voyages rapides ne coûte pas moins de 4 ou 5 millions. Une ligne postale à établir entre l’Europe et les États-Unis par exemple comporte plusieurs navires. Il faut donc premièrement un capital très considérable pour monter un service transatlantique, et ce capital na peut être demandé qu’à l’association. D’un autre côté, l’expérience prouve

  1. Voyez la Revue du 15 février 1853 : Des Nouvelles voies maritimes pour la France. — Les Paquebots transatlantiques.