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Ce sont heureusement ces dispositions qu’on rencontre chez les hommes d’état magyars et autrichiens. Sur la question d’Orient, qui est posée à toute heure, que la diplomatie consente ou non à s’en occuper, ils n’ont aucune hésitation. Ils ne souhaitent pas la mort du malade de Constantinople, et ils pensent que ce serait mal servir la cause des chrétiens d’Orient que de les précipiter dans les révolutions et les guerres dont la chute de l’empire ottoman serait nécessairement suivie. Ils ne sont pas indifférens au sort des Serbes, des Bosniaques et des Bulgares ; mais, au lieu de les encourager à des révoltes inutiles tant que l’Occident refuse de les y secourir, les conseillers de l’empereur François-Joseph pensent qu’on sert mieux leurs intérêts en obtenant successivement de la Porte de nouvelles garanties d’autonomie ou de bon gouvernement. On a dit à la diète de Pesth à propos de l’évacuation par les Turcs de la forteresse de Belgrade : « C’est un premier succès sur le fanatisme ottoman. Travaillons maintenant à obtenir un gouverneur chrétien pour la Bosnie. Formons une nationalité dans ces provinces en les envahissant pacifiquement. Mettons-les en communication par notre frontière avec l’Europe civilisée. » Comme empereur d’Autriche et comme roi de Hongrie, François-Joseph doit favoriser ce développement pacifique des races chrétiennes de l’Orient. « C’est son intérêt et c’est son devoir, » pour employer les paroles du comte Andrassy. L’éminent homme d’état, réprimant l’ardeur fougueuse de ses compatriotes, comprenait parfaitement qu’il y a là une œuvre sociale qui ne réussit pas par l’effort d’un jour, mais qui veut l’application de plusieurs générations. L’élément turc meurt de lui-même : plutôt que de se préparer à la lutte autour de son cadavre, l’Europe civilisée a pour mission de former ceux qui recueilleront sa succession. Le salut de l’Autriche et le repos de la Turquie d’Europe sont au prix de cette politique d’émancipation progressive proclamée en 1866 au congrès de Paris et déjà heureusement appliquée en Roumanie et en Serbie.

Sur la question allemande telle qu’elle se pose aujourd’hui, il règne la plus heureuse concordance entre les vues du comte Andrassy et celles de M. de Beust. L’empire d’Autriche doit accepter le développement de l’unité allemande, et, sans accepter de fait aucune alliance offensive ou même défensive qui risquerait de le lier aux témérités de M. de Bismark, il doit vivre avec ses anciens confédérés en état perpétuel d’alliance morale. Le rôle de l’Autriche et de former la grande chaîne entre l’Allemagne et l’Orient. Si elle se comprend ainsi, elle constitue en Europe cette grande puissance défensive qui manquait à l’équilibre depuis la dissolution de la confédération germanique. Elle se trouve aujourd’hui n’avoir plus