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prestige. La cour de Rome ne peut pas penser à faire accepter par des pays libres un acte qu’elle avait obtenu d’un souverain absolu. De toutes parts on lui signale l’action regrettable de certaines clauses du concordat au point de vue même des intérêts religieux. Elle se montrerait donc à la fois habile et équitable en abandonnant, des positions privilégiées que l’opinion publique en Autriche ne lui permettrait pas de conserver pendant bien longtemps. De leur côté, les députés de la majorité du reichsrath, saisis en ce moment des questions confessionnelles, ont intérêt à ne pas pousser le gouvernement dans les voies d’un conflit avec Rome. Il importe avant tout qu’ils acceptent les lois fondamentales qui leur sont soumises et le compromis financier sur le partage de la dette et des charges publiques entre les deux groupes de la monarchie, tel qu’il vient d’être arrêté à Vienne entre leurs délégués et ceux de la Hongrie.

Ce qui sollicite d’une manière tout aussi pressante leur zèle patriotique, c’est la situation économique de l’Autriche. Chacun peut consulter à la première page des statistiques autrichiennes le bilan financier des fautes que le cabinet de Vienne a successivement commises en Italie, en Allemagne et à l’intérieur de la monarchie. Cela s’est traduit par d’énormes emprunts qui ont absorbé une grande portion de l’épargne du pays, par la pauvreté des populations rurales, par de continuelles levées d’hommes. Il reste de ce passé une sorte d’insouciance au sujet des déficits chroniques qui soldent depuis quarante ans tous les budgets de l’empire. C’est beaucoup que M. de Beust ait la confiance de son souverain et cette heureuse dose d’optimisme nécessaire à l’homme qui assume une tâche aussi lourde que la sienne ; c’est beaucoup que l’accord soit scellé entre la Hongrie, rendue à ses institutions libres, et toute la portion intelligente de la partie occidentale de l’empire. C’est beaucoup, mais ce n’est pas tout ; les ministres des finances le savent bien, eux qui ont encore à trouver 50 millions afin de parfaire en 1868 la différence entre les recettes et les dépenses ordinaires du budget. Pour réussir à fermer la plaie des déficits permanens, il ne suffit pas de succès oratoires et d’enthousiasmes de presse, il faut la confiance et la paix. La confiance paraît renaître, et l’on sait gré à l’empereur François-Joseph, dans toute l’Autriche et presque dans toute l’Europe, de l’application qu’il porte à l’œuvre de la régénération de ce malheureux empire. Quant à la paix, il peut dépendre de l’Autriche de l’assurer, si elle sait accepter comme un rôle longtemps encore nécessaire une attitude de neutralité dans tous les débats qui pourraient surgir en Europe de susceptibilités nationales mal comprises ou de l’amour-propre des cabinets maladroitement engagé.