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dirigeront seuls les destinées du royaume de Bohême. « Et ce sont ces hommes, disait, récemment M. de Beust, qui ont sans cessera la bouche les mots de loyauté et de fidélité, qui voudraient voir le souverain se faire couronner sur les lieux mêmes où l’écho retentit encore des sons de l’hymne national russe ! »

Après l’opposition des Tchèques, l’opposition des Ruthènes est la plus dangereuse pour la paix intérieure de l’empire. Dans toute la Galicie orientale, la propagande russe a eu beau jeu par les perpétuels viremens de la politique du cabinet de Vienne à l’égard du clergé grec ou grec uni, qui est tout pour ces populations incultes. Ici d’ailleurs la Russie, outre la communauté de race, ne manque pas de se prévaloir du voisinage et de la similitude de la religion et du langage. Les séminaires russes sont ouverts au clergé ruthène. La jeunesse peut se faire instruire gratuitement à Pétersbourg et à Moscou, sans compter qu’on dispose de réserves inépuisables d’images et d’ornemens d’église, de grammaires et de catéchismes moscovites. Chaque acte d’intolérance des Polonais ou du gouvernement central à l’égard des Ruthènes fraie ainsi la voie à des centaines, d’émissaires russes, et il faut une excessive prudence aux Polonais de la Galicie pour se tenir en garde contre les attaques du grossier fanatisme de leurs voisins, auxquels ils auront bien de la peine à pardonner leurs sympathies ouvertes pour les Russes pendant la dernière insurrection de Pologne. Il y a moins à redouter des Slovènes, ou Illyriens, parmi lesquels le mouvement n’a encore jamais pris de proportions dangereuses pour l’état autrichien. On récite à Laibach la leçon qui se dit à Prague. On se coiffe et on s’habille à la slave, les érudits exhument quelques chartes anciennes, mais, comme les Slovènes au bout de tout cela ont bien voulu envoyer des députés au reichsrath, comme ils se bornent à réclamer des encouragemens pour leur langue, il n’y a rien qui présente un péril sérieux. La propagande panslaviste n’a presque pas pénétré dans ces régions du sud de l’empire.

Viennent enfin les Polonais, décidés à rester étrangers à toutes les imaginations des autres Slaves, et dont aucun n’a visité l’exposition ethnographique de Moscou. Leur indignation s’est traduite en termes véhémens lorsque cette singulière idée a été lancée, dans le monde slave par la presse tchèque. « Nos voisins de Bohême, disaient-ils, se complaisent dans la recherche des affinités physiologiques, ne cherchons pour notre part que les affinités morales. On nous annonce de Prague que les autres Slaves vont à Moscou pour élever la voix en notre faveur ; mais qui leur a conféré le droit d’insulter à notre défaite et de porter la main sur notre dernier bien, notre honneur ? Tout nous sépare de ceux, qui vont à Moscou en