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amer encore. « Vous saluez le départ des députés au reichsrath avec joie, disait-il en se tournant du côté des Allemands, attendez-vous à une amère déception à leur retour. » Enfin un autre député va jusqu’à dire que le royaume de Bohême est uni par un lien purement personnel aux autres pays de la monarchie des Habsbourg, et que le droit des nationalités entraîne celui d’avoir une administration tout aussi indépendante de l’Autriche que l’est celle de la Hongrie. C’est une singulière aberration que celle de ces savans qui pensent ainsi pouvoir remonter le cours des siècles et renverser par une simple délibération d’une assemblée la situation acquise par une longue prescription. Quelle comparaison établir entre les Tchèques, ne pouvant produire un droit national qu’au moyen de patientes recherches d’érudition, et les Magyars, ayant constamment traité d’égal à égal, de nation à nation avec l’Autriche depuis la bulle d’or jusqu’en 1848 ?

De pareils discours appelaient une réponse nette du parti allemand. M. Herbst se chargea de la faire, D’accord avec M. Rieger sur les périls qui menacent la monarchie autrichienne, il déclare que ce n’est pas les conjurer que de refuser l’envoi des députés au reichsrath. Discuter la valeur des mots dualisme, fédéralisme, centralisme, cela n’avance pas la question. C’est au fond des choses qu’il faut s’attacher. Les problèmes qui intéressent un état tout entier ne se résolvent pas par des formules. Le dualisme est moins un système qu’un fait qu’on doit accepter, et il n’y a pas à songer à obtenir que les Magyars renoncent au droit qu’ils ont de conserver une législation distincte. Il faut se résigner à la situation faite à la Bohême par le compromis qui est intervenu avec la Hongrie. « Ne pas envoyer de députés au reichsrath, ajoute M. Herbst, ce serait proclamer à la face de l’Europe que les peuples de l’Autriche se laissent aller au désespoir et qu’ils repoussent le moyen qui s’offre à eux de régler leurs propres affaires. Parce que nous aurons voté dans ce sens, nous n’aurons rien aliéné de l’autonomie pour laquelle la Bohême possède des titres sérieux, car on ne nous demande aucun abandon des droits souverains de la diète sur les affaires du royaume de Bohême. »

Malgré les efforts de M. Herbst, la théorie de M. Rieger trouva faveur auprès de la majorité de la diète, et l’on rejeta les propositions du gouvernement. Celui-ci frappa un grand coup. La diète de Prague fut dissoute. M. de Beust lui-même descendit dans l’arène électorale, et décida le prince Auersperg à user de son influence pour empêcher l’élection des grands propriétaires fonciers qui faisaient cause commune avec les Tchèques. La seconde diète de Prague présenta une majorité favorable à la politique ministérielle, et elle