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secondaires. Les confins militaires croato-serbes, depuis la Dalmatie jusqu’au Danube, font partie de la Croatie, et, quand il s’est agi de régler le droit public de la Croatie, ils ont envoyé des députés à Agram. Leur administration dépend directement du ministre de la guerre à Vienne. Ils sont encore organisés aujourd’hui à peu près comme ils l’étaient lorsque Marie-Thérèse les institua pour servir de barrière contre les Turcs. Il y a beaucoup de très bonnes choses dans ce régime, l’administration est prompte, la justice y prend un caractère paternel et bienveillant, l’instruction y est encouragée ; mais toute prospérité est tarie par un vice radical. Le confinaire n’est jamais pendant toute sa vie que propriétaire pour une part indivise du champ qu’il cultive. Si la récolte a manqué, le gouvernement doit pourvoir à sa nourriture, de sorte que sur un sol très riche la production est à peine au niveau des besoins. D’ailleurs défense à tout étranger de s’établir dans la frontière et d’y créer des usines. Ce système, contraire à toutes les notions de l’économie politique, est appliqué à une population de onze cent mille âmes peuplant un territoire de 5,830 milles carrés. Le gouvernement a longtemps compté, il pourrait compter encore sur la fidélité et le courage des confinaires ; cependant il y a eu des avertissemens qu’il ne peut pas négliger. Là aussi le fier sentiment de l’indépendance et l’orgueil de race se sont réveillés. Aux dernières élections pour la diète d’Agram, les confinaires n’ont pas toujours élu leurs officiers, comme ils le faisaient par le passé, et on entend souvent dire dans le pays-frontière que les défaites de Magenta et de Solferino ont eu pour cause le peu d’entrain des troupes confinaires dans leurs luttes contre les Italiens. Il y a de ce côté une grande réforme sociale à entreprendre, et l’on y applaudira non-seulement en Croatie et en Hongrie, mais dans toute l’Europe. C’est toute une société qu’il faut rendre au grand air et à la lumière pour qu’elle puisse à son tour contribuer au progrès des chrétiens slaves de la Turquie.

Sur la seconde des deux questions qui exigent le concours des diètes de Pesth et d’Agram, celle de la Dalmatie, il n’y a qu’un mot à dire : rien ne presse. La Dalmatie jouit et a toujours joui d’une autonomie convenable, et les Slaves qui la peuplent pour plus de moitié ne paraissent pas encore désirer très vivement une fusion administrative et politique avec la Croatie.

Au milieu de ces élémens discordans et des mille obstacles qu’opposent à leurs rêves ambitieux les instincts de race des peuples de la couronne de saint Etienne, les Magyars témoignent une confiance dans l’avenir que bien des gens traiteront d’optimisme incorrigible. On aime à parler à Pesth de la Hongrie de l’avenir, centre d’un vaste système d’états confédérés formant au sein de la