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CHRYSOSTOME ET EUDOXIE.


en main l’intérêt des persécutés de Nitrie, et elle se précipita dans cette affaire avec l’a résolution d’une femme qui n’entreprend pas en vain. Quelques jours à peine s’écoulèrent depuis l’entrevue de l’Hebdomon, et déjà tous les délais résultant des formalités étaient levés. Le décret de convocation d’un synode était signé par l’empereur, l’ordre d’instruire en calomnie contre les envoyés égyptiens était signifié aux juges, Théophile lui-même était cité à comparaître, et ce qui prouvait l’ardeur d’Eudoxie à servir cette cause qu’elle avait faite sienne, c’est qu’elle dépêcha un de ses officiers nommé Élaphius pour remettre en main propre au patriarche, dans sa ville d’Alexandrie, la double citation qui l’appelait à comparaître devant le futur concile et devant l’empereur.

L’apparition d’Élaphius et ce retour subit des choses, qui faisait du patriarche un accusé, de ses excommuniés des accusateurs, frappèrent Théophile comme d’un coup de foudre. Il n’y voulut voir qu’une manœuvre habile de Chrysostome et la revanche des dédains insolens avec lesquels avait été repoussée sa proposition de concorde. Il sut pourtant contenir sa colère. « Théophile se taisait, dit un contemporain, mais son silence était sinistre. » Élaphius, reçu avec tout le respect dû à celle qui l’envoyait et à la mission dont il était chargé, n’obtint pourtant rien de définitif. Le patriarche prétexta les devoirs de son ministère et d’autres raisons encore pour ne point partir sur-le-champ, mais il promit solennellement d’être à Constantinople dans un court délai. Ce fut tout ce qu’Élaphius put rapporter à sa maîtresse. Théophile en effet, sous le coup de la surprise et du danger, avait besoin de se recueillir, il avait besoin de dresser des machinations nouvelles contre ce qu’il croyait une machination de son rival ; pour cela, il lui fallait du temps, et il se mit à l’œuvre aussitôt. Se sauver lui-même, rentrer dans les bonnes grâces de l’empereur et perdre Chrysostome, voilà le problème dont la solution absorbait son esprit. Quant aux Longs-Frères, il y songeait à peine, leur importance disparaissant devant la grande lutte qui allait s’ouvrir entre les deux premiers prélats de l’Orient. À force d’y rêver, il lui sembla que le moyen le plus expéditif et le plus sûr d’accabler Chrysostome était de lui jeter en face quelque homme de grande autorité dans l’église en matière de discipline et de dogme, qui vînt, au nom des lois disciplinaires violées, lui demander compte de la protection dont il couvrait contre un évêque et un concile des excommuniés, lui demander compte aussi, au nom de la foi orthodoxe, de sa foi, à lui qui avait communiqué avec ces hommes. La question de l’origénisme se glissait alors dans l’affaire avec tout son venin ; l’archevêque était poursuivi comme hérétique en même temps que les Longs-Frères, et Théophile, une fois les choses engagées, paraissait pour saisir son