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pas encore s’unir à la Hongrie, déjà on ne voulait plus se rapprocher de l’Autriche. En 1860, lorsque le pays put manifester son sentiment, il se trouva immédiatement un parti pour demander le rétablissement partiel de l’ancienne union politique, rompue par la guerre civile de 1848 ; mais ce programme ne fut pas accepté par la diète de 1861. La résolution qu’elle vota commençait par déclarer que les événemens de 1848 avaient rompu tous les liens politiques entre la Croatie et la Hongrie. Elle reconnaissait toutefois que la Croatie, pays de la couronne de saint Etienne, devait avoir le même souverain que la Hongrie, et acceptait le principe d’une négociation avec la diète de Pesth sur la base de l’égalité la plus absolue entre les deux pays. Au fond, les Croates ne s’entendaient que sur deux points. Ils admettaient que leur souverain devait être le même que celui de la Hongrie, ils voulaient une entière autonomie administrative ; mais sur la question des alliances à contracter et des voies à suivre pour atteindre à l’émancipation politique, les opinions variaient à l’infini. Quelques personnes eussent consenti à envoyer des délégués au reichsrath allemand de Vienne avec mission unique de voter les dépenses générales de l’empire. C’était l’infime minorité. Un plus grand nombre recommandaient l’abstention. Il fallait suivre l’exemple des Slaves de Moravie et de Bohême, réclamer la constitution d’une monarchie autrichienne fédérative où le groupe des Croates et des Illyriens du sud eût fait le pendant du groupe tchéco-slave du nord. Enfin il y avait un troisième parti, plus porté à croire à la sincérité des avances venues de Pesth. « C’est à la Croatie d’écrire sur une feuille blanche les conditions sous lesquelles elle consent à se rapprocher de nous, » avait dit M. Deák, et beaucoup songeaient à Agram qu’il fallait accepter cette offre, négocier avec les Magyars et obtenir avec leur aide une somme d’indépendance aussi grande que possible. Cet avis prévalut en partie à la diète de 1865, et Mgr Strossmayer, le chef du parti dit des autonomes, accepta même la présidence de la députation qui fut envoyée à la diète de Pesth. La députation reçut pour mission de rechercher, de concert avec la députation hongroise, le mode qui convenait le mieux pour assurer la juste part d’influence de la Croatie et de la Hongrie dans les affaires communes à tous les pays de l’empire. Lorsqu’on sortit des exposés de droit historique pour aborder la question de conduite à tenir, les Magyars déclarèrent que les délégués à envoyer à Vienne devraient être issus d’une élection faite en commun par les deux diètes. La chose en elle-même était simple et logique ; mais il eût fallu que les Croates prissent part aux délibérations de la diète de Pesth. Les Croates avaient reçu d’Agram en partant des instructions qui ne les autorisaient pas à faire une