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de se faire. Le ministère hongrois, où l’on voit figurer le comte Miko, un Transylvain, a procédé avec tous les ménagemens possibles pour les usages et les traditions des nations non magyares de la Transylvanie, et une loi est proposée à la diète de Pesth qui est très favorable à l’autonomie administrative du pays. Les Saxons, esprits positifs, ont le sentiment de leur faiblesse numérique ; ils sont avant tout conservateurs et partisans du gouvernement qui leur assure la sécurité. Les Roumains sont loin d’être arrivés à ce degré de compacité et d’organisation politique où ils pourraient devenir un instrument commode entre les mains des ennemis de l’empire, et un simulacre de congrès roumain qui s’est tenu dernièrement à Bucharest a bien fait voir que d’eux-mêmes les Roumains sujets de l’empereur François-Joseph ne se sentent nullement portés à envier la condition des sujets du prince Charles de Roumanie.

Les Croates et les Tchèques sont, de tous les peuples de l’Autriche, ceux qui forment les plus étranges demandes au nom de leur nationalité. Les rapports des Croates avec la Hongrie supportent le poids des défiances séculaires et des souvenirs de luttes récentes qui les ont éloignés de la race magyare sans les rapprocher pour cela des Allemands. Là est le plus redoutable écueil pour les hommes d’état hongrois. En s’annexant à la Hongrie, la Croatie ou royaume triple et un conserva son propre droit, sa juridiction, de telle sorte que, restée administrativement autonome, elle ne fut point incorporée au pays magyar. Elle était seulement réunie à la couronne de saint Etienne, et telle resta en droit la condition expresse des transactions successives intervenues entre les deux pays. En fait cependant, la Croatie, obligée de s’aider beaucoup des Magyars pour se défendre des Turcs, demeura toujours attachée à la Hongrie par un lien politique plus ou moins étroit. Les tentatives des Magyars pour s’emparer de la haute administration dans la Croatie datent du XVIIIe siècle. De regnum adnexum on voulut en faire une pars adnexa ; mais, malgré l’influence des grands magnats magyars, l’assimilation ne se fit pas ou ne se fit qu’à la surface. Elle fut contrariée par les instincts démocratiques du peuple et du clergé. En 1822, les Magyars obtinrent un succès plus positif que tous ceux qu’ils avaient obtenus jusque-là. L’empereur François consentit à placer sous l’autorité directe du palatin, son lieutenant à Pesth, la ville et le port de Fiume. Fiume, en plein territoire croate, à 100 milles de la Hongrie, eut un gouverneur magyar. À cette époque et même après les événemens de Grèce et de Pologne, qui eurent un si grand retentissement dans le monde slave, le sentiment national semblait avoir disparu de la Croatie, et on