Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 71.djvu/962

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

c’était le chef du cabinet responsable, le comte Andrassy, parti en 1849 pour l’exil, aujourd’hui le serviteur dévoué du roi légal de son pays. Lorsque François-Joseph, monté sur le tertre formé de mottes de terre de tous les comitats du royaume, le visage tourné vers le Danube, le grand fleuve autrichien, jure de se consacrer à la défense de ses sujets, quel pinceau peut rendre cette scène, l’enthousiasme de ces cent mille assistans s’écriant tous : « Eljen ! la nation te reconnaît pour son chef ? » Au lendemain d’une telle journée, comment ne pas comprendre cette fierté avec laquelle les Magyars prononcent le mot de royaume de Hongrie en l’opposant à celui de provinces héréditaires ? Eux se sont donnés librement à la maison de Habsbourg-Lorraine, et à l’avènement de chaque monarque ils renouvellent leur pacte, tandis que c’est le vieux droit monarchique, la conquête, l’hérédité, qui ont été l’origine de la domination autrichienne sur les autres pays de l’empire.

Résumons cette constitution hongroise, qui vaut aujourd’hui à un pays presque oublié l’attention de l’Europe. Au sommet de la hiérarchie, un roi qui a prêté le serment solennel de respecter les droits de ses sujets ; un ministère, fort de la confiance de la majorité de la diète, chargé d’exercer le pouvoir exécutif ; une diète, qui est l’expression de la volonté nationale, votant l’impôt et contrôlant les actes des ministres ; , immédiatement après, dans l’organisation administrative, les comitats, conseils généraux en permanence, nommant à tous les degrés les juges et les administrateurs, sans attaches d’intérêt avec les membres du gouvernement, assurant une circulation bienfaisante du centre aux extrémités de l’organisme social. Évidemment un pareil système fait grand fonds sur la sagacité de la nation hongroise ; il serait dangereux pour l’unité de la monarchie, si la confiance ne se maintenait pas entre l’Autriche et la Hongrie. Il veut à l’application des hommes d’état, fermes, sûrs de leur but, sachant exposer leur popularité, s’il le faut, pour réprimer les excès, et il demande surtout de la nation le renoncement à cet esprit de critique passionné des actes du pouvoir qui est le défaut de tous les peuples trop amoureux des questions politiques. Ce trait de caractère si profondément marqué chez les Magyars pouvait s’expliquer lorsque les rapports entre les chambres et le roi se faisaient par une chancellerie aulique sans responsabilité devant la nation. Aujourd’hui il serait coupable, puisque le ministère paraît à chacun des débats de la diète et est responsable vis-à-vis d’elle de la conduite des affaires publiques. Toutefois les Magyars ont encore à accomplir un grand effort sur eux-mêmes pour faire accepter les lois qu’ils votent à la diète de Pesth par tous ces peuples d’une physionomie si tranchée que le hasard a fixés dans