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autres pays de la monarchie. Convaincus que tout l’avenir de leur patrie était dans une alliance intime avec l’Autriche, les députée Deákistes s’engagèrent à faire partager cette conviction à la diète. Cette grave discussion, de l’issue de laquelle dépendait le rapprochement entre la race magyare et la race allemande, fournit à M. Deák l’occasion de prononcer un discours magistral, vaste coup d’œil jeté sur les vingt dernières années de l’histoire du pays, commentaire éloquent et précis de l’accord intervenu avec l’Autriche. M. Deák commence en rappelant que la Hongrie est restée une des dernières contrées imprégnées de l’esprit féodal. Elle a eu à accomplir presque en même temps une réforme sociale et politique.


« Aurions-nous mérité de compter parmi les nations de l’Europe, dit-il, si en 1848 nous n’avions pas développé notre constitution ? Notre existence internationale indépendante aurait disparu, et l’Europe, entraînée par le grand courant démocratique des idées modernes, se serait à peine aperçue de la catastrophe. En 1848, nous avons eu une tâche immense devant nous. Des questions de l’ordre le plus grave se sont élevées, qui toutes réclamaient une prompte solution ; mais à une époque aussi tourmentée on ne pouvait que jeter les fondemens de la réforme sociale, et dans la séance du 18 mars la diète de Presbourg dut déclarer que l’état trouble des affaires ne permettrait pas d’élaborer avec détail et complètement les lois qui devaient donner aux populations la somme de prospérité morale et matérielle qui leur était promise. On fit donc des lois provisoires en même temps qu’on prenait les mesures nécessaires pour sauvegarder l’indépendance du royaume, gravement menacée. Je ne reviendrai pas sur l’issue de nos luttes malheureuses, je constate seulement que l’épreuve de douze ans de gouvernement absolu a fait voir la vitalité de la constitution hongroise et de l’esprit public en Hongrie. Un jour est venu où notre souverain a reconnu de lui-même qu’il fallait gouverner notre pays selon la constitution. Par malheur, on a débuté par une faute. Dans nos deux premières adresses de 1861, nous nous sommes plaints de ce que le diplôme d’octobre et la patente de février méconnaissaient les droits que nous avons en vertu de la pragmatique sanction, et nous avons rétabli la situation que cet acte avait faite à notre pays au point de vue du droit public. À Vienne, on a refusé de nous écouter, on a soutenu (c’était la doctrine de presque tous les Allemands de la monarchie) que le fait de l’insurrection de 1848 emportait la déchéance de nos droits, et à la fin de 1861 le pouvoir absolu était rétabli de fait depuis la Leitha jusqu’aux Karpathes. Nous avions trois conduites à tenir : nous insurger, attendre dans le silence des événemens que nous n’aurions pu diriger, enfin affirmer à chaque occasion notre bon droit pour essayer de convaincre notre souverain, et ramener à nous l’opinion publique