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tort de laisser des pays entiers de la monarchie dans un doute irritant sur la sincérité des intentions libérales du souverain. On a passé tout ce temps sans arrêter la conduite qu’on tiendrait à l’égard de la Hongrie. On songea d’abord à négocier avec elle, et M. Deák expliqua la situation de ce royaume au point de vue du droit public dans les deux adresses de 1861. Le cabinet autrichien les fit rejeter, trouvant qu’on compromettrait l’unité de l’empire en reconnaissant la validité de toutes les lois sanctionnées en 1848 par l’empereur Ferdinand, et il s’efforça de persuader aux autres peuples de la monarchie que l’Autriche devait chercher son appui dans la confédération germanique et établir à Vienne le centre unique de son action politique. Obligé de renoncer à faire accepter sa constitution centraliste aux Magyars, M. de Schmerling pensa trouver un appui dans le reichsrath restreint, assemblée qu’il destinait d’abord à former l’unité administrative de l’empire, moins la Hongrie. Il aurait voulu représenter au monde la Hongrie comme rebelle à la majorité des peuples autrichiens, sacrifiant le véritable intérêt de la monarchie à des traditions constitutionnelles surannées. Au fond, M. de Schmerling estimait que ce pays ne pourrait se passer à la longue du régime parlementaire tel qu’il le lui proposait, et qu’il l’accepterait pour se débarrasser de l’occupation militaire, n’importe à quelles conditions. L’auteur de la première constitution autrichienne, caractère timide et guindé, peu aimé de l’entourage de l’empereur, n’était propre à inspirer confiance à personne, pas même à ceux qui partageaient ses vues. Il n’avait pas le tempérament qui convient pour le grand air des discussions publiques. Lorsque l’empereur se fut convaincu que ce n’était point l’homme à lui gagner le cœur des Magyars, il le congédia, et personne ne sembla regretter sa chute. il eut pour successeur le comte Belcredi, un ancien gouverneur de Bohême qui avait su assez habilement se maintenir au milieu des animosités nationales des deux races de ce pays. Ce ministre et ses collègues signèrent la patente du 20 septembre 1865 et suspendirent l’action du reichsrath sous prétexte que les tendances ultra-allemandes de cette assemblée rendaient toute réconciliation impossible entre les peuples de la monarchie. On a dit que le programme de ce cabinet était celui des chefs slaves de Prague et d’Agram, et qu’il voulait une Autriche fédérative dont tous les pays et royaumes eussent été dotés de la même autonomie. En réalité, le ministère Belcredi n’a rien voulu, partant rien accompli. Dans sa courte durée, il n’a vécu que d’expédiens, un jour encourageant les Tchèques de Prague dans leurs manifestations slavistes et leur parlant de faire couronner François-Joseph de cette vieille couronné de saint Wenceslas où ils veulent voir le palladium de leurs libertés, un autre