Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 71.djvu/950

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sur le système militaire et absolutiste auquel il devait ses premiers succès de gouvernement. Victorieux à l’intérieur, il se crut assez fort pour étendre ses triomphes, et il appliqua tous les soins de sa politique à reprendre la domination en Italie et la prépondérance en Allemagne, sans s’inquiéter de savoir si telles eussent été les aspirations de ses peuples, éclairés et librement consultés. Comme on ne tentait aucun effort pour rapprocher les Allemands, les Slaves et les Magyars, tous les hommes capables de prendre part aux affaires publiques s’habituèrent à considérer l’idée même de l’unité monarchique autrichienne comme personnifiée par une bureaucratie détestée, appliquant arbitrairement des taxes énormes et usant des produits d’impôts considérables pour servir une politique d’équilibre européen inaccessible à l’intelligence des masses. Ce n’est pas à dire que le ministère Bach-Schwarzenberg ait été entièrement stérile. En traçant l’histoire de l’Autriche de 1850 à 1859, on trouverait beaucoup de lois d’économie sociale qui lui font honneur ; mais ces lois n’entraient pas dans les habitudes du pays. On ne prenait pas la peine de dissiper les préventions qu’elles soulevaient, et, quand elles étaient bonnes, elles étaient encore très généralement condamnées à cause du refus que l’on faisait d’en expliquer les mérites. C’est que les meilleures lois ont besoin de se faire au grand jour. Il faut qu’elles soient discutées et comprises par ceux qui les appliquent et ceux auxquels elles sont appliquées.

Aussi au bout de ce sommeil de dix années, lorsque la parole fut rendue à toutes ces races naguère encore armées les unes contre les autres, elles demandèrent compte des illusions qu’on avait si imprudemment exaltées en faisant appel à leur concours pour réprimer les Magyars et les Italiens, et elles se redressèrent avec le souvenir de tous les griefs et de toutes les passions de l’année 1848, grossi des mécontentemens accumulés pendant la période de régime absolu qu’on venait de traverser. Allemands, Roumains, Polonais, Ruthènes et Serbes de la monarchie autrichienne ont tous des co-religionnaires. si je puis employer cette expression, hors des limites de l’empire. On pouvait craindre en 1859 que la majorité de ces groupes ne voulût se détacher, et nombre de publicistes lançaient déjà les prédictions les plus sinistres. Une force les retint. On se demanda qui pourrait succéder à l’état autrichien, et tout homme sincère répondit que, pour lui comme pour le voisin, aucune combinaison ne valait encore celle-là.

Nous n’essaierons pas de retracer ici avec détails l’histoire de l’Autriche depuis le diplôme d’octobre 1860 et la patente de février 1861 jusqu’au couronnement de François-Joseph comme roi de Hongrie. Ce sont six années de tâtonnemens pendant lesquelles on a eu le