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L'AUTRICHE EN 1867

Depuis huit ans, la monarchie autrichienne a traversé deux crises redoutables. Au dire de ses adversaires, elle ne saurait survivre à la perte successive de ses positions en Italie et en Allemagne, comme au travail de décomposition intérieure qui se fait dans son sein. Il est vrai que la vieille Autriche, celle qui n’était « qu’une dynastie et une armée, » ne s’est pas remise des dernières secousses ; mais nous sommes en face d’une Autriche rajeunie par des formes politiques mieux en harmonie avec l’esprit moderne. Cette Autriche ne peut plus être sérieusement menacée ni par l’Italie, à laquelle elle ferait au besoin le sacrifice de quelques districts voisins du lac de Garde, ni par l’Allemagne, tout entière aux luttes de sa constitution intérieure. Elle n’a d’autre ennemie qu’elle-même, que certaines passions qui s’acharnent à sa ruine pour le plus grand triomphe de la théorie des nationalités. Ce mot a donné lieu il tant de méprises lorsqu’il s’est agi de l’Autriche et de l’Orient, qu’il n’est pas inutile d’en préciser historiquement et philosophiquement le sens et la portée. A le prendre dans son acception véritable, il signifie le sentiment de solidarité qui porte certains groupes d’hommes à vouloir établir entre eux le lien étroit d’une existence politique commune. De tous les faits qui révèlent cette communauté d’intérêts vitaux, l’unité de langage est le plus apparent. On se figure sans peine le sentiment de révolte qui naît au cœur de l’homme, si, au nom d’une autorité quelconque, on veut le forcer à comprendre et à accepter une langue qui n’est pas la sienne. En usant de pareilles violences, un gouvernement sape sa propre base ; il n’est plus accepté librement, et les insurrections éclatent par la force des choses. C’est là l’histoire des luttes de l’Italie contre la domination autrichienne ;