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quelques-uns des faits qui se sont passés dans ces derniers temps au-delà du détroit.


II

Après les élections de 1865, tout le monde croyait à une victoire du parti libéral. Le ministère avait obtenu dans le pays une majorité de soixante-dix membres, et pourtant combien on s’était trop hâté de lui attribuer les avantages de la lutte ! Parmi les députés réélus, beaucoup appartenaient de cœur à l’ancienne politique du cabinet personnifiée par lord Palmerston. La mort du premier ministre changea tout à coup la situation. Au fond, il n’y avait qu’un homme de moins, et déjà l’organisation des partis se sentait ébranlée. C’est que cet homme d’état en disparaissant de la scène démasquait le reform bill. Tant qu’il avait vécu, il avait réussi à écarter le fantôme qui semait la terreur et la discorde dans les rangs de la majorité. Ceux qui lui succédaient ne pouvaient continuer la même tactique. Lord John Russell, qui avait pris sa place, M. Gladstone, chef de la chambre basse, leader of the other house, et quelques autres membres du cabinet, s’étaient engagés devant le parlement ou devant les électeurs. Tout le monde attendait d’eux un projet de réforme. On sait comment ils tinrent leur promesse et à la suite de quelles manœuvres ils essuyèrent un échec. L’erreur, on le reconnut bientôt, avait été de confondre les libéraux avec les reformers. Parmi ceux qui se séparèrent alors de M. Gladstone, plus d’un aujourd’hui regrette tout bas d’avoir combattu un honnête et timide bill demandant si peu aux esprits timorés. Toutefois la mesure fut repoussée, et les libéraux durent quitter le pouvoir. Il serait bien difficile de deviner la pensée secrète de lord Derby et de M. Disraeli lors de leur avènement aux affaires. Toujours est-il que leurs amis déclaraient la réforme électorale tout à fait enterrée ; la chambre n’en voulait point, le pays n’y tenait nullement, et, selon eux, ce que le nouveau cabinet avait de mieux à faire était de couvrir du voile.de l’oubli ce mauvais rêve. De son côté, le ministère tory refusait de s’engager devant la chambre sur une question délicate, obscure, contre laquelle tant d’autres avaient échoué. Il y a donc tout lieu de croire que cette mesure eût été ou ensevelie sous le silence ou indéfiniment ajournée, si l’opinion publique n’était intervenue et n’avait ranimé la lutte. Les classes ouvrières étant les plus intéressées dans un tel projet de loi, c’est naturellement vers elles que se dirigèrent les regards et les espérances des chefs qui présidaient au mouvement.

Les trades’ unions, nous l’avons vu, avaient des hommes, une