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il sera bien réellement chez lui. A. Birmingham, de 9 à 10,000 artisans habitent dans la ville ou dans les environs de jolies maisonnettes qui d’ici à quelques années ne devront plus rien à personne. On évalue en Angleterre et dans le pays de Galles à 2,000 le nombre de telles sociétés, comptant environ 200,000 membres. L’argent qu’elles reçoivent s’élève à 11 millions de livres sterling sur lesquelles 8 millions ont été convertis en terre et en maisons. Il est bien vrai que les ouvriers ne sont point les seuls inscrits sur les listes des souscripteurs, mais ils y figurent très certainement pour au moins les deux tiers. Un des avantages moraux est que le travailleur propriétaire ou en train de le devenir prend beaucoup plus d’intérêt que le locataire à son intérieur, soigne de grand cœur dans son petit jardin des arbres qu’il verra croître, et met de l’amour-propre à orner le nid dans lequel il élèvera sa famille.

Les ouvriers anglais ont toujours été en somme beaucoup mieux payés dans la Grande-Bretagne que sur le continent ; ce qui leur manquait le plus jusqu’ici, c’était la prévoyance. Pour développer chez eux le germe de ce sentiment ont été fondées au-delà du détroit les caisses d’épargne, qui en un quart de siècle reçurent un dépôt de 40 millions de livres sterling, appartenant surtout à la classe des artisans et des domestiques. Voulant étendre aux campagnes et aux petites villes les bienfaits de cette institution, M. Gladstone eut l’idée d’y adjoindre les post-office savings banks. Le bureau de poste qui reçoit les lettres du travailleur enregistre et encaisse ses économies. Le pauvre a maintenant dans la Grande-Bretagne plus de trois mille banquiers toujours à ses ordres, et entre les mains desquels il peut confier les plus petites sommes, même le denier de la veuve (d’où le nom de penny savings banks). Un des grands avantages de ce nouveau mécanisme est que l’ouvrier ayant déposé son argent dans un des trois mille bureaux de poste est à même de le retirer dans un autre. Qu’il aille de village en village, comme c’est souvent le cas pour diverses industries, et les épargnes du travailleur errant, quoique placées à intérêts, voyagent en quelque sorte avec lui. Comme l’économie, surtout celle du prolétaire, est une vertu naturellement ombrageuse qui n’aime point à mettre les autres dans la confidence de ses affaires, le maître de poste est seul autorisé à voir les comptes, et encore se trouve-t-il obligé par la loi à garder le secret sur le nom des déposans. Ce fonctionnaire public n’est d’ailleurs qu’un simple commis, et dans le cas où il viendrait à se sauver avec l’argent, l’état demeurerait responsable. La création de post-office savings banks révéla de plus un fait qui surprit M. Gladstone lui-même : c’est l’étendue des ressources et des économies accumulées entre les mains de la classe ouvrière. Au moment où fut inauguré ce système, une députation