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limited, après deux années seulement d’existence, réalise, dit-elle, par an pour 250,000 sterling (6,250,000 francs) d’affaires. Un vieux lord, au sortir d’un atelier coopératif qu’il avait visité avec intérêt, déclara lui-même avoir vu dans ce temps-ci deux choses que dans sa jeunesse on aurait traitées de fables, « des voitures qui couraient sans chevaux et des ouvriers qui travaillaient sans maîtres. » D’un autre côté, des chefs de manufactures, mus par un sentiment de justice et déterminés par la force de l’exemple, ont intéressé pour une certaine part leurs travailleurs dans les bénéfices.

Partout le rêve de l’ouvrier est de devenir propriétaire ; mais, excepté dans les légendes, les maisons ne descendent point du ciel toutes bâties. Il s’est pourtant formé chez nos voisins des sociétés connues sous le noms de building societies, se proposant de fournir à l’artisan un toit qui lui appartienne. Le mécanisme de ces institutions varie selon les localités et les idées des fondateurs[1] ; mais en somme elles tendent toutes vers un but, — aider le locataire à devenir le propriétaire de sa maison en payant par mois à la société, durant une certaine période, une somme qui n’excède pas de beaucoup le taux ordinaire du loyer. Dans plusieurs endroits, ces building societies se sont greffées dès l’origine sur les freehold land societies, qui s’efforcent de diviser la terre entre leurs membres à peu près aux mêmes conditions. Le plus souvent elles achètent en bloc de grands domaines qu’elles partagent en divers lots parmi leurs actionnaires ou leurs souscripteurs. Sur ces terrains ainsi dépecés s’élèvent plus tard des cottages au seuil desquels l’ouvrier anglais peut s’asseoir le dimanche sous son berceau de houblon ou de clématite. Sans doute la maison ne lui appartient nullement par ce fait seul qu’il y réside, il faut la payer ; mais à chaque échéance, au lieu de verser entre les mains du propriétaire un argent qui ne lui confère aucun droit, il éteint une dette à l’expiration de laquelle

  1. Quelquefois les membres conviennent entre eux de payer une certaine somme par semaine (soit 1 sh. 3 deniers) pour une action de 100 liv. sterl. Chaque fois que les ressources de la caisse le permettent, on tire au sort, et le possesseur du numéro gagnant peut choisir une maison, qui est alors achetée en son nom par la société. Les chances sont d’ailleurs disposées de manière que dans l’espace de dix ou douze ans tous les souscripteurs soient également favorisés. L’acquéreur se trouve au commencement dans la situation d’un propriétaire dont la maison est hypothéquée pour toute la valeur ; mais il se libère envers la société dans un temps déterminé au moyen de versemens mensuels ou trimestriels. D’autres building societies avancent tout de suite l’argent nécessaire à l’achat de l’immeuble ; cette dette doit ensuite leur être payée avec les intérêts dans un laps de temps de quelques années par celui qui entre en possession des lieux. Ces dernières alimentent leur caisse au moyen d’actions et de dépôts hypothéqués sur les terrains et les bâtimens de la compagnie.