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le croire, la conséquence à laquelle sera conduit le gouvernement anglais par l’enquête ouverte sur les trades’ unions.

À ces confréries des corps de métiers beaucoup chez nos voisins préfèrent les sociétés coopératives. Ce système, qui est ne d’hier, a déjà conquis l’approbation d’hommes éminens dans le parlement, dans l’église et dans la noblesse. Au lieu de s’attacher tout d’abord comme en France à la production des objets industriels, ces sociétés débutèrent au-delà du détroit sur un tout autre terrain. Le pauvre est en général celui qui paie le plus cher tout ce qu’il achète. Dans la plupart des cités anglaises occupées par les grandes manufactures, l’ouvrier habite des quartiers obscurs et entassés où abondent de petites boutiques. Dans un pareil voisinage, les marchands, pourvus d’un maigre capital, achetant en détail, revendant le plus souvent à crédit, sont obligés de débiter à un haut prix des denrées d’une qualité inférieure. Frappés de ces inconvéniens, les ouvriers résolurent de se faire eux-mêmes leurs propres boutiquiers. L’exemple partit de Rochdale, et avec quelle autorité[1] ! Un tel succès était certes bien de nature à inspirer la confiance. Beaucoup d’autres sociétés s’établirent en Angleterre plus ou moins d’après le même modèle. Tous les essais n’ont point été également heureux. Plusieurs de ces tentatives ont avorté soit à cause d’un vice dans le système, soit par suite de l’inexpérience des hommes qui les dirigeaient. Cependant la situation des diverses sociétés qui survivent est en somme très favorable[2]. Enhardis par le succès, des ouvriers du même métier se sont peu à peu associés non plus pour acheter en commun les objets de consommation, mais pour exercer leur industrie et en écouler par eux-mêmes les produits. Cette nouvelle forme de la coopération est sans contredit celle qui rencontre en Angleterre le plus d’obstacles, qui exige de la part des artisans le plus de sacrifices et se trouve par conséquent la plus exposée aux revers. Diverses branches du travail manuel ont pourtant atteint dans cette voie des résultats heureux. L’une de ces sociétés, North of England wholesale co-operative society,

  1. De vingt-huit qu’ils étaient en 1844, avec un capital de 700 francs, ces courageux pionniers (Rochdale equitable pioneers’ store) comptent aujourd’hui dans leur association 6,246 membres, possèdent un fond de 2,499,725 francs, ont traité en 1866 pour 6,228,050 francs d’affaires, et ont partagé entre eux cette même année 798,275 francs de profits.
  2. Quiconque veut connaître l’état exact de la question en Angleterre doit consulter le rapport officiel de M. Tidd Pratt en 1865.