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soumis au contrôle incessant de la plus libre opinion publique qu’il y ait au monde, ne dure que quatre ans, et ne peut produire des désordres prolongés. On voit pourtant, par l’exemple de Johnson, le trouble qui peut résulter, même dans un pays protégé par les libertés les plus complètes et les plus jalouses, de l’excentricité d’esprit et de la volonté opiniâtre d’un chef de pouvoir exécutif. Toutes les mesures de Johnson, il en faut convenir, ne sont point mauvaises, et on devrait louer le décret d’amnistie qu’il vient de rendre en faveur des anciens rebelles du sud, s’il ne cherchait peut-être dans cette mesure apparente de clémence un moyen offensif contre le parti radical dans la prochaine lutte électorale. Il y a dans cette amnistie des exceptions que ceux qui sont étrangers à l’Amérique ont peine à comprendre. Pourquoi, par exemple, maintenir l’ostracisme contre un homme entouré d’une estime et d’une sympathie universelles comme le général Lee, un soldat dont l’Amérique doit être fière, et contre M. Stephens, le vice-président de la confédération du sud, esprit sage, cœur honnête, revenu des premiers dans son parti aux idées de réconciliation nationale, et qui récemment exhortait avec un dévouement désintéressé ses compatriotes à se résigner au système de reconstruction volé par le congrès ? On assure que les caprices de M. Johnson lui ont fait perdre les sympathies du parti démocrate lui-même, qui lui refusera son concours dans la prochaine élection présidentielle. S’il est privé d’un tel appui, on ne comprend pas comment M. Johnson pourra affronter la session du congrès.

Le gouvernement autrichien a enfin terminé le travail du partage des charges financières entre les deux régions séparées par la Leitha. Il est heureux que ce point de départ soit fixé. L’Autriche, avec ses provinces fertiles et ses populations nombreuses, retrouverait bientôt une grande élasticité de ressources en ramenant l’ordre dans ses finances et en adoptant une politique commerciale qui étende et multiplie ses relations d’échange. Qu’elle s’applique à rétablir la circulation métallique et à mettre un terme aux contributions onéreuses que le change contraire la force de payer à l’étranger. La séparation des budgets de la Hongrie et du groupe cisleithan va créer sans doute une compétition intéressante entre les deux régions au point de vue de l’administration financière ; on va voir celle qui saura faire le mieux ses affaires. La Hongrie part avec le bon vent, car elle débute avec une excellente récolte qui trouve un débouché lucratif par l’insuffisance des céréales dans la production agricole de l’Europe occidentale. Elle songe à emprunter pour féconder ses ressources, et l’on va jusqu’à dire que son emprunt, qu’on essaiera de naturaliser à Paris, est déjà souscrit par elle sur place.

E. Forcade.
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L. Buloz.