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de Rome entraînerait pour le budget de l’Italie des frais considérables. On n’estime pas à moins d’une soixantaine de millions la somme que coûterait la translation de la capitale de Florence à Rome. Garibaldi prenait bien son temps, lorsque M. Rattazzi est au début de sa grande opération financière sur le domaine ecclésiastique. On s’est donc tiré de cette frasque ; mais la mise en scène comique ne doit pas donner le change sur la gravité de la question romaine. L’état de choses, en se prolongeant, ne peut que porter atteinte à la dignité du gouvernement de l’église, à la sécurité et à la paix intérieure de l’Italie. Il est fâcheux que nous soyons nous-mêmes « dans cette galère, » et que ceux qui nous y ont mis n’aient point l’adresse de nous en faire sortir tout à fait. Des incidens comme celui qui vient de se passer nous montrent que la convention du 15 septembre est non pas une solution, mais un simple expédient dilatoire. Quoiqu’ils aient arrêté Garibaldi sur la frontière romaine, les Italiens le savent bien. Voulons-nous qu’ils spéculent sur des embarras intérieurs ou extérieurs de la France pour attendre l’occasion de terminer la question à leur avantage ?

Les faits qui à l’intérieur préoccupent depuis quelque temps l’attention des esprits ont l’aspect triste et donnent des avertissemens graves. Ici encore on voit les maux qui résultent de la léthargie où la discussion des intérêts publics est tombée en France, faute des libertés nécessaires ou suffisantes. Nous parlions, il y a quinze jours, de deux grandes entreprises de banque et d’industrie qui se sont engravées, la société de Crédit mobilier et la Compagnie immobilière, et dont les embarras ont pris un moment les proportions d’un souci politique. Cesti que, soit par leur origine, soit par l’apparence de la faveur gouvernementale, soit par l’importance de leurs opérations et leur influence sur le mouvement des affaires, ces compagnies avaient reçu ou acquis une importance qui touchait à de grands intérêts publics. La gêne de ces affaires est provenue d’une tendance que la politique administrative a encouragée avec un excès manifeste, de l’exécution des grands travaux dans les villes poussée non avec les ressources naturelles des capitaux, mais avec les téméraires et périlleux expédiens du crédit. La Compagnie immobilière a fait, dit-on, des affaires évaluées à plus de 300 millions avec un capital propre qui ne dépassait pas 80 millions, et qui encore, pour arriver à ce chiffre, avait été gonflé par une plus-value arbitrairement assignée à certaines propriétés sociales. La société avait comblé la différence existant entre son capital et la somme dépensée par elle avec des emprunts, 70 millions reçus du Crédit foncier, plus de 70 millions prêtés en compte courant par le Crédit mobilier, le reste avec ses propres obligations, dont l’émission n’avait guère réussi. La dette de la Compagnie immobilière envers le Crédit mobilier est devenue, comme cela était aisé à prévoir, la pierre d’achoppement des deux sociétés. Le moment est arrivé où les